Les révoltes populaires en Syrie se poursuivent sur le même rythme de violence, avec un cortège d´une douzaine de morts par jour. Apparemment, le président Bachar El Assad ne veut pas céder le pouvoir dans les conditions qui sont celles de la rue.. Misant sur l´usage du veto russe ou chinois aux Nations unies pour neutraliser tout projet de sanctions euro-américaines, il continue également d´ignorer la série d´ultimatums jusqu´en fin de journée d´hier, dimanche, que lui a adressés la Ligue arabe. Finira-t-il, comme Abdallah Saleh, par céder aux pressions internationales et accepter de quitter le pouvoir avec la garantie de ne pas être poursuivi pour «crimes contre l´humanité» par la Cour pénale internationale, ce redoutable instrument aux mains des puissances européennes ? C´est, en bonne partie, cette question de garantie qui semble en fait déterminante dans l´attitude de refus observée par Damas. Le président Assad se trouve aujourd´hui dans une situation des plus inconfortables qui est, en tout cas, loin d´être comparable à celle de son homologue yéménite. Ce dernier, pourtant, tout aussi impopulaire chez lui, a su négocier une sortie de crise grâce au soutien des pays du Golfe. Il pourrait, dit-on, même obtenir le droit d´asile aux Etats-Unis où il prévoit de se rendre pour, officiellement, soigner les graves brûlures contractées dans l´attentat à la bombe contre son palais, qui l´avait forcé à une hospitalisation de plusieurs mois en Arabie saoudite. Cette possibilité de sortie de crise, les Européens et les Américains ne l´ont laissée ni à Mouamar Kadhafi, ni à Bachar El Assad. Le président syrien sait, par conséquent, que s´il quitte le pouvoir, il connaîtra le sort de l´Ivoirien Laurent N'Gbagbo dont le procès s´ouvre devant le Tribunal pénal international. C´est la solution idéale pour Nicolas Sarkozy et ses amis européens qui auront l´occasion de faire valoir la légitimité de cette institution aux ordres, faite pour juger certains. Le pire pour Assad serait de tomber entre les mains de l´opposition, ralliée comme en Libye par des déserteurs de l´armée soucieux de se blanchir de la répression à laquelle ils ont pris part, de la revanche sectaire, en un mot de la vindicte populaire. En plus, il n´est pas sûr que Assad et les siens puissent trouver l´asile sûr souhaité dans le Liban voisin qui s´est opposé, tout comme l´Irak, aux sanctions de la Ligue arabe contre le régime de Damas. Dans ce cas, il faut imaginer la solution du pire. C´est-à-dire ne pas exclure dans le cas du président syrien le sort tragique qui a été celui de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi. Le premier a été pendu sur ordre du président Bush et le second livré au lynchage populaire par la France et le Royaume-Uni. Ce ne sont plus des spéculations de presse ni des hypothèses d´observateurs politiques, mais une certitude d´enquêtes classées. La fugue de Ben Ali Les pays européens ont bien manœuvré pour qu´aucune issue ne soit laissée aux dirigeants arabes qui sont tombés en disgrâce à leurs yeux. Ben Ali est celui de tous ses pairs en exil ou en sursis qui, pour son salut, aura été le plus intelligent. La dose de haine, pour aussi légitime qu´elle soit, qui anime les indignés arabes à l´égard des dirigeants qui les ont opprimés et humiliés, accompagnée de l´incertitude qui plane sur la démocratie dans les pays du «printemps arabe» avec la montée en force de l´islamisme, d´abord en Tunisie, puis en Libye, au Maroc et, aujourd´hui, en Egypte, il y a de quoi comprendre la fugue du dictateur tunisien. C´est tout le jeu pourri de l´ingérence occidentale dans les mouvements de révolte dans le monde arabe. De ce point de vue, Bachar El Assad a donc de bonnes raisons de ne pas faire confiance aux gouvernements des pays membres de l´Otan qui ont un plan pour la Syrie négocié avec Israël. S´il s´accroche au pouvoir par des moyens violents, c´est qu´il sait parfaitement ce qui l´attend si pour son malheur et celui de la communauté alaouite minoritaire au pouvoir à Damas, il cédait aux pressions occidentales, par ONU ou Ligue arabe interposées. Pour son salut, le président Vladimir Poutine sera bientôt de retour à la tête de la Russie. Les élections d´hier donnent son parti vainqueur malgré les dénonciations de fraudes par l´opposition. Plus inflexible à l´égard de l´Occident que son dauphin Dimitri Medvedev, l´ex-futur président russe entend préserver l´influence de Moscou au Proche-Orient que seul le régime allié traditionnel en Syrie est en mesure de garantir. L´abstention de la Russie au Conseil de sécurité, voulue par les puissances occidentales dans le cas syrien, ne sera pas pour demain. Avec Vladimir Poutine, la guerre de Libye n´aurait peut-être jamais eu lieu. Damas a encore un appui de taille dans la région. L´Iran, qui a contre-attaqué à sa manière face à l´offensive diplomatique des pays occidentaux contre le régime de Mahmoud Ahmadinejad, en laissant saccager la représentation diplomatique britannique à Téhéran. Un message de défiance adressé par Téhéran à l´Europe, aux Etats-Unis, à Israël et aux monarchies du Golfe.
L'allié iranien Visiblement, le régime iranien ne se laisse pas impressionner par les sanctions internationales même si elles devaient être militaires, encore plus improbables avec le retour de Poutine. Téhéran occupe le terrain du mécontentement arabe, en activant, à son profit, le «printemps chiite» à Bahreïn. En Syrie, le «printemps arabe» affiche ses limites. Plus nationaliste qu´en Libye, l´opposition syrienne, Frères musulmans compris, a fait savoir durant son récent périple européen qu´il n´est pas question, comme en Libye, d´une intervention militaire étrangère. L´Otan et Israël déchantent. Poutine aura de bons arguments au Conseil de sécurité.