Le ministère des Relations avec le Parlement tente de créer un débat public sur la question de l'immunité parlementaire, dans le sillage du programme de réformes politiques annoncées par le président de la République en avril dernier et traduites par la révision de sept lois dont celles relatives aux partis politiques, aux associations, au régime électoral et à l'information. Ces réformes devraient être bouclées par la révision de la Constitution au cours du deuxième semestre de 2012. A cet effet, le ministère, en collaboration avec le Parlement, a organisé hier une journée d'étude sur ce thème au Cercle national de l'armée à Beni Messous (Alger). Dans son allocution d'ouverture de la journée, le ministre Mahmoud Khedri a évoqué un flou juridique. «Il y a lieu de relever le peu de dispositions juridiques régissant l'immunité parlementaire dans notre législation, en ce sens que mis à part les articles 109, 110 et 111 de la Constitution, en sus des brèves dispositions relatives aux procédures de levée de l'immunité parlementaire prévues dans les règlements intérieurs des deux chambres (du parlement), il n'existe pas d'autres dispositions détaillées ou explications en la matière», déclare M. Khedri. Les articles de la loi fondamentale traitant de la question «sont presque identiques aux dispositions des articles 137, 138 et 139 de la Constitution de 1976, en dépit du passage de notre pays d'un système socialiste dirigé à un système d'ouverture fondé sur le pluralisme politique (…)», note-t-il. Pour lui, la question qui mérite d'être posée réside dans le fait que ces textes n'ont jamais été mis en œuvre et qu'il n'existe aucune disposition ou jurisprudence dans ce domaine. Cette intervention a été complétée par une communication présentée par Lamine Cheriet, professeur à l'université de Constantine et cadre au ministère des Relations avec le parlement. «Nous avons besoin d'une loi qui approfondisse la question de l'immunité parlementaire. Il y a un manque terrible qu'il faut combler», déclare-t-il. Les dispositions de loi en vigueur en la matière vont jusqu'à violer un des principes sacrés de toute Constitution, à savoir la séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le conférencier explique à ce propos que les procédures de levée de l'immunité à un parlementaire, élu ou désigné, dans le cas d'une condamnation définitive prononcée par un juge, exigent l'introduction d'une demande par le ministère que dirige Mahmoud Khedri auprès de la chambre où siège le membre concerné et que cette chambre disposera d'un délai pour l'«étudier. De ce fait, ajoute M. Cheriet, l'APN ou le Conseil de la nation s'ingèrent dans le travail de la justice. Liberté d'expression et inviolabilité Le principe de l'immunité parlementaire a été emprunté aux pratiques politiques anglo-saxonnes. Il était en vigueur en Angleterre dès le XIIIe siècle sous l'angle de la liberté d'expression. Il a été complété surtout par le principe de l'inviolabilité parlementaire adopté en France à la suite de la révolution de 1789. Le législateur algérien a retenu les deux aspects de la question (liberté d'expression et inviolabilité). Dans son article 109, la Constitution de1996 dispose en effet que «l'immunité parlementaire est reconnue aux députés et aux membres du Conseil de la nation pendant la durée de leur mandat. Ils ne peuvent faire l'objet de poursuites, d'arrestation, ou en général de toute action civile ou pénale ou pression, en raison des opinions qu'ils ont exprimées, des propos qu'ils ont tenus ou des votes qu'ils ont émis dans l'exercice de leur mandat.» L'article 110 prévoit que les poursuites ne peuvent être engagées contre un député ou un membre du Conseil de la nation pour crime ou délit, que sur renonciation expresse de l'intéressé ou sur autorisation, selon le cas, de l'APN ou du Conseil de la nation, qui décide à la majorité de ses membres la levée de son immunité. En cas de flagrant délit ou de crime flagrant, il peut-être procédé à l'arrestation du député ou du membre du Conseil de la nation en informant immédiatement la chambre concernée (article 111).