Le tiers présidentiel tente de dédramatiser la chose, le FLN e le RND campent sur leurs positions. La loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption sera présentée juste après l'Aïd aux sénateurs, «Toutes les lois doivent passer au Sénat avant la clôture de la session d'hiver, prévue pour le 2 février», apprend-on de source parlementaire. La commission des affaires juridiques au conseil de la nation a entendu le ministre de la Justice jeudi, lequel a exposé, entre autres, les objectifs de ce texte amputé désormais de l'article 7 rejeté par les députés mardi dernier. Pour quelle attitude opteront les sénateurs ? Et enfin, quel sera l'impact de l'abrogation de l'article en question sur la pertinence de la loi sur la corruption. Il faut savoir que les sénateurs vont débattre du texte de loi tel qu'amendé par les députés, autrement dit sans l'article 7. Ces derniers ne sont pas habilités à apporter des amendements. La loi sera soit approuvée dans son intégralité soit rejetée. Dans le deuxième cas, l'article 120 de la constitution prévoit qu'«en cas de désaccord entre les deux chambres, une commission paritaire, constituée des membres des deux chambres, se réunit à la demande du chef du gouvernement pour proposer un texte sur les dispositions objet du désaccord.» Ce texte est soumis par le gouvernement à l´adoption des deux chambres et «n´est pas susceptible d´amendement, sauf accord du gouvernement. En cas de persistance du désaccord, ledit texte est retiré.» Mais dans ce cas précis, il faut attendre une année avant la présentation d'une nouvelle loi. Le législateur peut néanmoins recourir à «la procédure d'urgence», permettant de réduire le délai d'un an. On a déjà recouru à cette disposition pour le vote de la loi sur la concorde civile. Mais si on se tient à ce scénario, quelle force a la possibilité de bloquer cette loi au Sénat? Le Conseil de la nation délibère sur le texte voté par l´Assemblée populaire nationale et l´adopte à la majorité des trois quarts (3/4) de ses mem-bres. Le RND seul, même s'il ne détient pas la majorité, peut le faire, le tiers présidentiel aussi, l'alliance entre le FLN et le MSP n'aura donc aucun effet contrairement à l'APN. Mais ces derniers ont-ils l'intention de recourir à cette solution extrême? Contacté par nos soins, un sénateur RND qui a voulu s'exprimer sous le sceau de l'anonymat estime que son parti maintient sa position. «L'attitude des députés reflète une image très négative sur notre pays. l'Algérie qui a signé les conventions internationales sur la lutte contre la corruption, doit adapter sa législation à ce combat dans lequel elle s'est engagée». Notre interlocuteur qui s'est montré très surpris par la position des députés, s'est abstenu de nous donner le moindre indice sur l'attitude que prendra son parti le jour du vote. De son côté, M.Souileh Boudjemaâ, sénateur du tiers présidentiel a tenté de dédramatiser la chose. Selon ce dernier, le rejet de la loi semble carrément écartée. «Il existe d'autres procédures permettant d'appliquer la loi sur la corruption même sans l'article 7.» Aux juristes donc de trouver cette issue. Il est important de souligner que les députés n'ont pas voté contre la déclaration du patrimoine, sachant que l'article 4 a été approuvé. Il stipule en substance que «l'agent public souscrit la déclaration du patrimoine dans le mois qui suit sa date de nomination ou celle de l'exercice de son mandat électif. En cas de modification substantielle de son patrimoine, l'agent public procède immédiatement au renouvellement de la déclaration initiale. La déclaration de patrimoine est également établie en fin de mandat ou cessation d'activité». L'autre signe «de bonne volonté» des députés, c'est l'approbation de l'article 37 qui prévoit des sanctions pénales allant de 1 an à 10 de prison ferme et des amendes allant de 100.000 DA à 1 million de DA dans le cas où les agents publics ne donnent pas des arguments précis pour «justifier les sources de sa fortune substantielle». Contrairement à l'article 7 qui prévoit que «l'absence de déclaration du patrimoine dans les délais prescrits entraîne une révocation des fonctionnaires ou la déchéance du mandat électoral». «Les député ont rejeté cette loi plus par sensibilité politique sachant que l'élu est protégé par l'immunité parlementaire et sur ce point la Constitution est très claire». En effet, la Constitution dans ses articles 109 et 110 reconnaît l´immunité parlementaire aux députés et aux membres du Conseil de la nation pendant la durée de leur mandat qui les protège de poursuites, d´arrestation, ou en général de toute action civile ou pénale. En cas de flagrant délit ou de crime flagrant, l'article 111 par contre, prévoit les modalités de la déchéance en cas de délit grave. Autrement dit, selon le sénateur Souileh, «en cas de dépassements graves, les députés seront déchus par la force de la loi, tel que prévu par la Constitution». Faisant de l'abrogation de l'article 7 un «non-événement», le scénario du blocage de la loi sur la corruption semble pour le moment écarté. «Il s'agit d'éviter la situation de crise» selon notre source. Si le RND et le tiers présidentiel, dans le souci de ne pas retarder l'application de cette loi, n'affichent aucune intention de l'amender, le président de la République, lui, peut intervenir à travers la promulgation d'une ordonnance entre les deux sessions parlementaires. Le fera-t-il? Pour le moment, le FLN campe sur ses positions en estimant que cet article a «des arrière- pensées politiques». Les citoyens eux, sont indignés par la position des députés, et voient en cette attitude une tentative d'échapper à la force de la loi.