La force publique a dû intervenir hier dans le conflit qui oppose depuis plus de deux mois les travailleurs de la laiterie de Draâ Ben Khedda, située à l'ouest de Tizi Ouzou, à leur direction. Ce bras de fer a failli tourner au pire, n'était la sagesse des grévistes. «Vers 8h 30, alors que des travailleurs étaient comme d'habitude rassemblés devant l'entrée de la laiterie, la police s'est présentée en compagnie d'un huissier de justice pour appliquer les décisions de justice prises il y a quelques semaines», nous a confié un syndicaliste, ajoutant que «les travailleurs ont été sommés de quitter les lieux et les abords de l'usine», ce qui a suscité la colère des grévistes. «Nous sommes chez nous et nous ne quitterons jamais les lieux», ont-ils répondu. Devant la détermination des salariés de la laiterie, plusieurs dizaines de CNS ont commencé à repousser les travailleurs. «Certains travailleurs ont été bousculés violemment», nous dira notre interlocuteur. Des dizaines de citoyens rassemblés devant le portail principal de l'usine, dont des jeunes, se retournent contre les forces anti-émeute. La route longeant l'ex-Orlac sera carrément bloquée dans les deux sens. Des pneus enflammés, des pierres et tas d'ordures ont été jetés dans la rue. Nous avons appris qu' aucun travailleur n'a repris du service. Les grévistes, qui se disent solidaires, ne reprendront pas le travail jusqu'à ce que leurs revendications soient satisfaites. «Une commission d'enquête de l'IGF doit venir constater les irrégularités au sein de l'entreprise», réclame un syndicaliste membre du collectif des travailleurs. L'intervention de la police a été vivement critiquée par les travailleurs. Selon eux, le patron de la laiterie veut «pousser les grévistes au dérapage». Mais les protestataires disent s'être mobilisés pacifiquement. Le recours à la force publique intervient au moment où 39 travailleurs licenciés attendent toujours la décision définitive de la justice qui tranchera le 12 janvier prochain. Une décision de justice rendue récemment a sommé les 39 salariés de quitter les lieux, les considérant comme les principaux instigateurs du mouvement de grève. Au titre de dommages et intérêts, il est prévu que ces derniers payeront la somme de 5, 8 milliards de centimes. Le jugement définitif sera rendu le 12 janvier. Depuis 70 jours, la laiterie de DBK est à l'arrêt. Le débrayage observé par les travailleurs a provoqué une pénurie du lait en sachet à travers les quatre coins de la wilaya. Le sachet d'un litre est désormais cédé à 30 DA, voire plus. Des initiatives de médiation ont été entreprises, dont celles du wali et du P/APW de Tizi Ouzou, en vue de trouver un terrain d'entente entre les travailleurs et le patron de la laiterie. Mais en vain. Déterminés, les grévistes revendiquent la reprise par l'Etat de l'unité de production cédée selon eux «pour des miettes» en 2008. Jeudi dernier, une représentante du ministère de l'Industrie et de la PME, accompagnée d'un représentant du groupe public Giplait, s'est rendue dans l'usine. Selon les travailleurs, «les représentants du ministère ont été privés de consulter certains documents et empêchés de se rendre dans certains endroits de la laiterie». En attendant, la situation s'est apaisée l'après-midi d'hier, tandis que le mot d'ordre de grève est maintenu. Quant au patron de l'usine, il demeure injoignable malgré nos multiples tentatives.