Les travailleurs de la laiterie de Draâ Ben Khedda, à l'est de Tizi Ouzou, maintiennent la pression au 92e jour de grève. Depuis le 26 décembre 2011, date de l'intervention de la force publique pour l'ouverture de l'unité de production, une action qui a tourné à l'émeute, les choses n'ont pas bougé. Hier, pour exprimer leur détermination, tous les employés étaient au rendez-vous pour un rassemblement devant la laiterie, à l'appel du collectif des travailleurs. Des partis politiques à l'instar du FFS, du PT et du FLN ont tenu aussi à marquer leur présence pour soutenir les grévistes dans leurs revendications. «Commission d'enquête ! Commission d'enquête», ont scandé sans cesse les travailleurs. Prenant la parole, le président du comité syndical Saïd Meziane, tout en dénonçant la détérioration des conditions socioprofessionnelles des travailleurs, dira que «ce n'est pas à cause des salaires que nous nous sommes révoltés, mais pour le non-respect du cahier des charges depuis l'arrivée» du repreneur privé». C'est pourquoi, dit-il, «l'ex-Onalait est le bien des citoyens, et nous somme convaincus que son extension peut générer des centaines de postes d'emploi, ce que le propriétaire n'a nullement fait depuis son arrivée. Alors que le cahier des charges stipulait la création de 150 postes en plus des 339 existants, aujourd'hui nous sommes 370 travailleurs». Des dizaines de citoyens sont venus hier des localités voisines pour apporter leur soutien aux travailleurs. «Moi citoyen de DBK, je dirai aux grévistes que vous n'êtes pas seuls ; quitte à partager mon salaire avec vous, ne lâchez pas votre combat», clame un citoyen applaudi. En effet, plusieurs de ceux que nous avons approchés ont confirmé que la qualité du lait s'est détériorée. «Des problèmes de santé peuvent surgir dans l'avenir, surtout pour les petits enfants», disent-ils. FFS, FLN et PT : soutien ou précampagne ? Pour Djelloul Djoudi, représentant du Parti des travailleurs (PT), «la reprise par l'Etat des entreprises n'est pas une revendication propre aux travailleurs de DBK. A M'sila, à Annaba, à Biskra, des travailleurs réclament aussi la renationalisation d'entreprises». «Le PT a envoyé le dossier de la laiterie aux ministères de l'Agriculture, des Finances et de l'Industrie, mais aussi aux bureaux du Premier ministre et du président de la République. Plusieurs ministres ont exprimé leur soutien à la revendication de renationalisation. Il ne manque que la volonté politique», a déclaré M. Djoudi. De son côté, Farid Bouaziz, secrétaire fédéral du Front des forces socialiste (FFS) à Tizi Ouzou, ne mâchera pas ses mots contre le pouvoir en place l'accusant de «continuer à brader les richesses du peuple algérien». Selon lui, «tout ce qui se passe en Kabylie n'est qu'une volonté d'isoler la région sur le plan économique». Il rappellera par ailleurs que le FFS soutiendra toujours les travailleurs dans le but d'arracher leurs droits les plus légitimes contre la mafia économique. Pour sa part, le représentant du Front de libération nationale (FLN) Saïd Lekhdari, en sa qualité de mouhafedh de la wilaya de Tizi Ouzou, posera la question de savoir si les travailleurs sont prêts à poursuivre leur grève en attendant l'envoi d'une commission d'enquête IGF. Il sera sifflé et chahuté avant même de terminer sa phrase. Le député de FLN aurait souhaité trouver un écho chez les travailleurs pour que ces derniers rejoignent leurs postes. Mais cela sans compter sur leur détermination. «Non ! Non ! Et Non», ont-ils répondu. C'est dire que les représentants des trois formations politiques ont tous tenu un discours de soutien malgré les divergences de vision. S'agit-il d'une pré campagne pour les joutes électorales prévues au mois de mai prochain ? En effet, tout porte à le croire ! Puisque depuis le début du mouvement de grève, les partis sont aux abonnés absents, si ce n'est une seule déclaration ou un meeting. Rassemblement devant la cour le 12 janvier En outre, un point de presse a suivi le rassemblement. Les représentants du collectif des travailleurs en grève depuis le 9 octobre 2011 ont indiqué que le dossier est transmis à toutes les institutions compétentes du pays et «c'est à l'Etat d'assumer ses responsabilités». Car, explique un représentant, «il s'agit de préserver la santé publique mise en danger par le repreneur». Par ailleurs, les conférenciers sont revenus sur les irrégularités, les tricheries et anomalies enregistrées depuis l'arrivée du repreneur, notamment l'injection de poudre périmée, la diminution de la dose de lait, la suppression de plusieurs postes et la non comptabilisation d'importantes sommes d'argent. Enfin, en guise de soutien pour les 39 travailleurs déférés devant le juge, et pour lesquels le verdict sera rendu le 12 janvier prochain, un rassemblement est prévu le jour même devant le tribunal de Tizi Ouzou. Il s'agit de 56 travailleurs sont licenciés depuis le début de la grève. Au titre de dommages et intérêts, la justice a déjà tranché en faveur de repreneur. Les 39 travailleurs désignés comme «initiateurs» payeront la somme de 5,8 milliards de centimes, alors que certain d'entre eux étaient en congé durant le mois d'octobre 2011.