Image paradoxale du football, celle de joueurs qui viennent de se qualifier pour les 8e de finale de la Coupe d'Algérie mais qui n'en présentent pas moins un visage où le sourire est difficilement perceptible. Cette image-là c'était celle des joueurs de l'USM Alger, jeudi soir, au sortir de leur vestiaire après le match disputé face à la JS Djidjel. Ils avaient certainement compris qu'ils n'avaient pas à pavoiser après ce qu'ils avaient montré sur le terrain où ils avaient dû recourir à la série de tirs au but pour se débarrasser d'un adversaire qui émarge dans une catégorie de trois étages inférieure à celle où évolue leur équipe. Il aurait, peut-être, été déplacé de leur part de faire la fête après s'être si difficilement qualifiés face à une JSD à qui on avait promis une défaite sur un score lourd. Ces joueurs de l'USMA étaient d'autant plus moroses qu'ils avaient terriblement été affectés par la réaction, au cours du match, d'une partie du public à leur encontre. Réaction particulièrement hostile de spectateurs qui avaient du mal à avaler le fait que leur équipe, présentée comme un ensemble de stars, ne puisse pas imposer sa loi à un adversaire qui vient d'une division inférieure. Ce n'est pas la première fois que l'on assistait à un tel scénario et ce n'est certainement pas la dernière fois. Les joueurs de l'USMA n'en ont pas fini avec le stress et la pression à partir du moment où ils ont été déclarés comme évoluant dans l'équipe la plus forte du pays. Est-il, cependant, exact que cette équipe des Rouge et Noir est la plus forte du football national ? «Non, dira son entraîneur Meziane Ighil. Je ne contredis pas le fait qu'il s'agit de joueurs parmi les meilleurs du pays mais un ensemble de tels éléments ne donne pas forcément une grande équipe.» Le coach de l'équipe algéroise explique que prendre de bons joueurs de divers horizons demande du temps pour mettre en place un ensemble cohérent. Et cet ensemble perd de ses potentialités dès lors qu'il se voir pressé d'obtenir très rapidement de bons résultats. «Il est demandé aux joueurs de l'USMA de soulever 10 tonnes alors qu'ils ne peuvent même pas soulever la moitié», dira Ighil. Jeudi soir après la conférence de presse qu'il venait d'animer à la suite de la qualification de son équipe, nous avons pu nous approcher de lui pour avoir une discussion en aparté. Quand nous lui avons demandé si le fait que l'USMA ne souffrait pas de l'importance de l'objectif qui lui était assigné, à savoir remporter le titre de champion d'Algérie ou tout au moins terminer sur le podium du championnat qui la qualifierait à une compétition africaine, il a eu la réaction de quelqu'un qui en avait marre que l'on parle d'objectif. «Vous faites bien de me parler de cela car il va me falloir et vite faire une mise au point», nous a-t-il dit. «On m'évoque souvent des objectifs à réaliser, eh bien, sachez que je n'ai qu'un seul objectif essentiel, celui d'améliorer le jeu de mon équipe. Pas celui de la rendre championne d'Algérie. Croyez-moi c'est une tâche extrêmement pénible quand vous avez sous la main des joueurs sans cesse sous pression.»Le phénomène du rejet des joueurs par une partie des spectateurs s'explique également par la surmédiatisation des conditions de travail de l'USMA de loin supérieures à celles de beaucoup d'équipes pour ne pas dire toutes les autres équipes. «Mes joueurs sont placés dans de bonnes conditions de travail, je n'en disconviens pas», ajoutera Ighil. «Ils ont le privilège d'émarger dans un vrai club professionnel où ils sont payés à terme et où ils sont déclarés. De là à leur en vouloir sous prétexte de gagner trop d'argent, alors là, je ne suis pas d'accord. Contrairement à ce que l'on prétend, il existe de nombreux joueurs dans d'autres clubs qui gagnent nettement plus d'argent que ceux de l'USMA. Je suis bien placé pour vous le dire. J'aimerais bien qu'on s'intéresse à ce que gagnent les autres et qu'on laisse tranquilles mes joueurs», précise-t-il. On comprend par là que Meziane Ighil est engagé dans une entreprise de longue haleine où il sera question, dans un premier temps, d'amener les joueurs à évoluer avec un esprit plus libéré. Il est possible que l'USMA ne remporte rien cette saison, elle ne sera pas la première équipe à avoir fait un grand effort de recrutement sans être payée en retour. Des équipes comme le Real Madrid et l'Inter Milan ont mis du temps pour être récompensées après avoir, pourtant, engagé quelques-uns des meilleurs joueurs de la planète. Le Real surtout qui s'apprête à devenir champion d'Espagne après des années, où une flopée d'entraîneurs est passée en même temps que des joueurs qui émargent dans la liste des sportifs les mieux payés sur terre. Le cas de l'USMA ne saurait être à part.