Qui a perpétré l'attentat avant-hier à Tamanrasset ? La réponse n'est pas dans l'appellation de l'organisation terroriste qui l'a revendiqué, mais dans la composante de celle-ci. Un grand point d'interrogation entoure en effet la composante du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) qui, dans un communiqué rendu public quelques heures après l'attaque criminelle du siège de la Gendarmerie nationale à Tamanrasset, s'est approprié l'attentat-suicide. Hormis le nom du chef du MUJAO se présentant comme étant un certain Hamada Ould Mohamed Kheirou, alias Abu Qumqum, ressortissant mauritanien, aucun autre élément de l'organisation terroriste n'est connu. Ce qui susciterait moult interrogations sur son origine, même si la nébuleuse est présentée comme étant un mouvement dissident d'Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Le MUJAO avait annoncé sa dissidence et sa création en 2011 sans que soient énumérées les conditions et causes. Le MUJAO cacherait-il des choses comme par exemple les noms de ses fondateurs, ses effectifs et leurs buts ? En termes de buts, il est une note, et pas des moindres, qui mérite d'être relevée. Par définition, le Mouvement unicité et jihad en Afrique de l'Ouest est censé sévir à l'ouest de l'Afrique. Or, l'Algérie se trouve au nord du même continent. Pourquoi donc l'attentat terroriste ayant ciblé avant-hier Tamanrasset ? On ne peut fort probablement pas compter sur le MUJAO pour nous fournir la réponse, puisque préférant la discrétion, ce qui est étrange pour une organisation terroriste qui, au même titre que l'argent des rançons et les armes, est en quête croissante de médiatisation. Le MUJAO paraît donc beaucoup plus comme un certain «appareil» qu'une organisation terroriste, et le choix de Tamanrasset comme cible ne semble pas être fortuit. Tamanrasset abrite le comité d'état- major opérationnel conjoint (CEMOC) des pays du champ (Algérie, Niger, Mali et Mauritanie). Coalition édifiée justement pour lutter contre le terrorisme et le crime transfrontalier dans la bande sahélo-saharienne. Les pays du champ ont à maintes reprises exprimé leur volonté de prendre en charge cette lutte dans la région sans intervention militaire étrangère. Option et position qui, on le comprend avec l'attentat d'avant-hier, ne sert pas les intérêts que le MUJAO et les parties qui pourraient être derrière l'organisation terroriste. Pourtant, une mission dépêchée par l'ONU a salué les efforts de pays du champ dans la lutte. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon a, dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité communiquant les conclusions de la mission, écrit que «les pays du Sahel sont en mesure d'assurer la sécurité et la stabilité dans la région». Qui arme le MUJAO ? Les observateurs l'auront noté : Tamanrasset est ciblée pour la première fois par le terrorisme. Ce qui signifie qu'AQMI ne disposait pas de moyens humains, ni de logistique et d'armements pour perpétrer un tel attentat dans la région. Comment donc un groupe dissident (le MUJAO), censé être, logiquement, plus faible, disposerait-il de tels moyens ? Il est vrai que le paiement de rançons, en contrepartie de libération des otages, constitue une manne financière des plus importantes pour les terroristes. A ce sujet, des interrogations s'imposent sur le fait qu'un ressortissant mauritanien, Ely Ould Elmoctar, et une ressortissante italienne, Rosita Aouro, enlevés par le MUJAO à Tindouf aient été libérés le jour même de l'attentat de Tamanrasset. Le conflit armé en Libye, lui, complète les opportunités offertes au MUJAO qui bénéficie de rançons, puisqu'il lui fournit les armes qu'il pourrait «acheter» avec cet argent. L'Algérie était contre l'intervention militaire étrangère en Libye, car consciente du danger que cela représente pour la sécurité et la stabilité de toute la région. La mission onusienne a d'ailleurs rejoint la position algérienne, insistant sur le caractère dangereux de la circulation d'armes lourdes et légères volées de casernes militaires libyennes au cours du conflit armé.