La situation demeure toujours confuse au Mali après 4 jours du coup d'Etat militaire. Hier, des informations diffusées par des médias locaux et internationaux font état de la fragilisation du groupe des putschistes, dont le chef a été donné mort suite à des rumeurs circulant à Bamako et annonçant aussi un contre-coup d'Etat imminent. Face à cette situation, les appels au retour à l'ordre constitutionnel se sont multipliés. En effet, des informations totalement contradictoires ont été données hier par les différents canaux d'information. D'abord, la rumeur de la mort du chef des putschistes maliens, le capitaine Amadou Sango. Ce dernier s'est présenté hier à la télévision nationale pour assurer qu'il était bien vivant. «Bonsoir, peuple du Mali, bonsoir compagnons d'armes, bonsoir citoyens. Je suis le capitaine Sango et je suis ici en bonne santé, tout va bien», a lancé l'officier avant de laisser la place à un porte-parole qui a assuré que toute l'armée le soutenait. Cependant, un expert sécuritaire mauritanien, cité par la presse locale, a estimé hier que «ce qui s'est passé jeudi au Mali n'est pas un coup d'Etat au vrai sens du mot, précisant que le fait de laisser le président ATT libre avec la majorité des forces armées maliennes, des officiers et des chefs suprêmes, laisse penser que l'acte commis par un groupe limité de subalternes, dirigés par un capitaine, s'apparente plus aux attitudes des clowns et des provocateurs». Pour cet expert qui a préféré garder l'anonymat, les pays voisins comme la Mauritanie, l'Algérie, le Sénégal et le Niger n'ont pas soutenu les mutins, précisant que la principale raison de cette insurrection réside dans la guerre dans laquelle Touré a jeté son pays, alors que paradoxalement son armée souffre cruellement de l'exiguïté des moyens logistiques ainsi que de la faiblesse de l'armement. L'expert sécuritaire prévoit le regroupement des chefs d'états-majors maliens avec leurs unités et les parachutistes de la garde présidentielle autour du président ATT pour progresser vers le palais présidentiel et neutraliser le groupe de mutins, précisant que ce qui s'est déroulé au Mali peut conduire vers un conflit intérieur, capable non seulement de détériorer davantage la situation sécuritaire caractérisée par la guerre avec les séparatistes touaregs pour le Mali, mais également pour tous les Etats de la sous-région. Le journal français Le Monde a soutenu cette thèse d'incertitudes au Mali, soulignant que les auteurs du coup d'Etat sont isolés à l'étranger, alors qu'une possible contre-offensive loyaliste n'est pas écartée. Les putschistes contrôlaient toujours le siège de la télévision publique ORTM. Le sort du président Touré reste également inconnu. Il serait protégé dans un endroit inconnu par des militaires loyalistes et préparerait la contre-offensive, comme l'assurait jeudi son entourage, a rapporté Le Monde. Le chef du putsch a d'ailleurs indiqué hier à Associated Press qu'aucun de ses hommes n'assurait la protection de ce dernier, se refusant de dire s'il savait où ATT se trouve deux jours après le putsch. Depuis le camp militaire de Kati, se trouvant à 25 km de la capitale Bamako, le capitaine Amadou Sango a réaffirmé que «les mutins avaient agi ainsi en raison de la mollesse du gouvernement civil face à la rébellion touarègue dans le nord désertique du pays». Il a assuré «ne pas craindre de contre-putsch». Toutefois, le coup d'Etat a été fermement condamné par les partis politiques maliens. Dans une déclaration commune, 12 des principaux partis maliens ont dénoncé cet acte anticonstitutionnel. Ce qui fragilise à plus d'un titre la position des putschistes. Hier matin, un responsable de l'un de ces partis, l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adema) a été brièvement interpellé par des militaires à son domicile de Bamako. Kassoum Tapo a été relâché peu après, après avoir reçu les excuses du chef de la junte pour son arrestation, a-t-il précisé. Réunion de la Cédéao mardi Les efforts de la communauté internationale pour le règlement de la crise malienne se multiplient. Le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, a parlé au téléphone vendredi avec le capitaine Sango qui lui a assuré que les ministres des Affaires étrangères du Kenya et du Zimbabwe ainsi que le secrétaire d'Etat tunisien en charge des affaires africaines seraient libérés. Le ministre kényan Moses Wetangula, son homologue zimbabwéen Simbarashe Mumbengegwi ainsi qu'Abadallah Triki, le secrétaire d'Etat tunisien auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du monde arabe et de l'Afrique, sont bloqués à Bamako à la suite du coup d'Etat de jeudi. L'Union africaine (UA) a décidé, vendredi soir, de suspendre le Mali de toute participation à ses activités et l'envoi à Bamako d'une mission conjointe avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Le Sénégal, pays voisin du mali, a exhorté l'Afrique de l'Ouest «à entreprendre, avec diligence, toutes les démarches nécessaires pour le rétablissement, le plus rapidement possible, de l'ordre constitutionnel». Un sommet extraordinaire des chefs d'Etat de la Cédéao est prévu mardi à Abidjan pour discuter de la situation au Mali. Les Etats-Unis ont prévenu que l'aide économique et militaire de 70 millions de dollars qu'ils versent au Mali risquait d'être compromise si les responsables du coup d'Etat ne rétablissaient pas l'ordre constitutionnel. L'Union européenne (UE) a, quant à elle, «fermement» condamné le coup d'Etat et appelé «à la libération des responsables de l'Etat», au «retour d'un gouvernement civil et à la tenue d'élections démocratiques comme prévu». Ces prises de position s'ajoutent aux condamnations des pays voisins, dont celles de l'Algérie, du Niger et de la Mauritanie.