La tragique affaire des tueries de Montauban et de Toulouse, qui est le fait d'un jeune Français fragilisé par une enfance perturbée et mis à la marge par une société qui lui a fermé ses portes, est symptomatique des problèmes de société qui secouent la France sans qu'aucune réponse n'y soit apportée. Le cas Merah n'est pas isolé, dans un pays qui a raté ses différentes politiques dites d'intégration ou d'assimilation. La crise aidant, un repli frileux, conjugué à la recherche du bouc émissaire, ne facilite pas une approche sereine et objective des problèmes de société que traverse la France. L'affaire des roms, évacués manu militari au mépris des dispositions des droits de l'homme, la politique du «karcherk et autres préciosités du genre en sont la meilleure illustration. Chaque échec de la politique sociale est attribué à un groupe ethnique ou religieux «coupable» de non intégration dans le «corps social» français. Aujourd'hui, tout le monde raille cette propension française à utiliser l'étymologie pour traduire cette projection. Ainsi, Zineddine Zidane ou Karim Benzema sont volontiers français, tant qu'ils ne taclent pas des règles non écrites, ce qui risquerait de les priver de ce label. Il y a quelques années, un boxeur «français» promis à un bel avenir est devenu «ivoirien» lorsqu'il est mort tragiquement sur un ring. Cette habitude «so frenchy» est presque devenue anecdotique, quand elle n'est pas instrumentalisée, ce qui semble être largement le cas dans l'affaire Merah. Passons sur les incohérences de l'affaire depuis le début, si l'on se fie aux déclarations officielles. Du témoignage faisant état d'un homme blanc avec une cicatrice ou un tatouage à la rocambolesque action du raid, les failles sont nombreuses, mais inintéressantes. Par contre, la gestion «com» qui a suivi la mort de Merah est troublante. Tout semble en effet répondre à un story-telling, de sorte à créer buz après buz. Le parcours djihadiste de Merah, l'affaire du troisième homme, la question de l'inhumation, les liens supposés avec le renseignement français sont dignes d'un feuilleton à épisodes dans la veine, mais sur un autre registre, de l'affaire DSK. Même mort, Merah continue de faire la une, et donc d'être une source d'intérêt en France et évidemment un élément de débat dans la présidentielle. Est-ce un hasard que la campagne de M. Sarkozy connaisse un regain de vigueur ? En tout cas, le champion de la sécurité joue sur du velours. L'instrumentalisation de l'affaire Merah a donc tout l'air d'une bulle qui permet d'éluder les véritables questionnements de la société française, comme la crise économique, le chômage, et les pistes de solutions dans un pays enfoncé dans la crise et en panne d'imagination. Accessoirement, cette succession d'affaires et ce buz entretenu ont également cette vertu de mettre sous le boisseau les petites affaires françaises comme celles de l'Oréal et de Karachi. Alors, à qui profite le crime ?