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Affaire Merah : après l'effroi, le temps des questions
France
Publié dans Le Temps d'Algérie le 31 - 03 - 2012

Comment s'est créé un Mohamed Merah, y en a-t-il d'autres et quelles conséquences ses actes monstrueux peuvent-ils avoir sur la société française, la justice, les libertés? Depuis les assassinats du tueur jihadiste, dont ceux d'enfants juifs, les questions se bousculent et divisent.
Après l'effroi, la réflexion s'est engagée, au-delà des déclarations politiques et des polémiques sur la surveillance du jeune délinquant français "d'origine algérienne" devenu "terroriste islamiste". Les tribunes et débats se sont multipliés et, sur les racines du "mal", les camps se sont formés. Il y a ceux qui n'imaginent pas trouver sur le sol français un terreau assez vicié pour que germe, ailleurs que dans la folie, un tel "monstre".
Merah, 23 ans, a tué froidement un homme et trois enfants juifs, mais aussi trois jeunes militaires qui s'appelaient Abel, Imad et, comme lui, Mohamed. "Chercher une explication (...), laisser entrevoir la moindre compréhension à son égard ou, pire, lui chercher la moindre excuse, serait une faute morale", a estimé le président Nicolas Sarkozy. "Le mal existe. A 7 ans, Myriam Monsonego l'a rencontré", a écrit dans le Figaro le philosophe André Glucksmann.
Myriam est la petite fille que Merah a attrapée par les cheveux dans la cour de l'école juive de Toulouse, avant de lui loger une balle dans la tête. Et il y a les autres qui, tel le chercheur Xavier Crettiez, posent "quelques jalons pour une réflexion sur cette fabrique terrifiante de la violence". L'idéologie ne fonctionne "que si elle vient confirmer aux yeux de l'apprenti militant une situation d'injustice ou d'oppression ressentie", avance-t-il dans un essai publié dans Le Monde.
"De tels événements sont une concrétisation des vieux et récurrents discours de stigmatisation et de discrimination", a relevé dans Libération le philosophe François de Bernard. Enfant de parents immigrés, père absent, échec scolaire, délinquance, récidive, échecs, prison... Les juges, comme Jean-Pierre Rosenczveig, disent en avoir vu, de ces jeunes qui dérapent. "Mais tous les gamins dont on se préoccupe ne finissent pas militants d'Al-Qaïda...!". Merah, c'est "hors du commun...".
"Il est éminemment regrettable" que Merah "n'ait pas été capturé vivant", ont estimé sur un blog les sociologues Philippe Robert et Renée Zauberman, car "un débat contradictoire aurait permis de clarifier sa trajectoire". "L'heure est grave", ont par ailleurs mis en garde une quarantaine de personnalités dans un appel aux candidats à la présidentielle, exhortés à ne pas "instrumentaliser" ce drame.
"Il est à craindre que ces événements n'attisent les amalgames, les haines de tous bords", s'est inquiétée Sabrina Goldman, de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) dit avoir constaté, après la tuerie de Toulouse, une recrudescence des actes antisémites, le plus souvent des menaces et des insultes.
A partir de l'affaire Merah, quatre prédicateurs musulmans ont été interdits d'entrée en France, un coup de filet a été lancé dans les milieux islamistes radicaux, et le président Nicolas Sarkozy a annoncé, en cas de réélection en mai prochain, un renforcement de l'arsenal juridique contre le terrorisme, pourtant déjà très étoffé. Certains commencent à crier aux "lois scélérates", aux atteintes excessives aux droits et libertés au prétexte de la lutte antiterroriste.
"Face à l'émotion, on peut toujours craindre des dérives", analyse Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM). Mais les mesures attentatoires aux libertés étant en France sous le contrôle de l'autorité judiciaire, "on devrait rester sur ce plan dans une dynamique modérée". Selon lui, la Constitution et la Convention européenne des droits de l'Homme "interdiront d'aller trop loin".


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