Les anciens ministres français de la Défense, Charles Millon, et des Affaires étrangères, Hervé de Charette, ont été entendus récemment par le juge chargé de l'enquête sur l'assassinat des moines de Tibehirine. Entendu en janvier dernier, M. Millon, ministre de la Défense dans le gouvernement d'Alain Juppé en 1996, au moment de l'assassinat des sept moines français, a déclaré au juge n'être «au courant de rien». «J'ai complètement ignoré le dossier et nous n'avons jamais eu de suivi particulier de ce dossier avant l'enlèvement des moines, ni pendant, ni après», a déclaré M. Millon, selon le procès-verbal d'audition cité par le journal Le Parisien. L'enquête sur le massacre des moines de Tibehirine, qui avait privilégié au début la piste terroriste, à cause de la revendication par le GIA (Groupe islamique armé) de l'enlèvement des moines, a été relancée en 2009 avec le témoignage d'un ancien attaché militaire français, le général François Buchwalter, qui avait parlé d'une «bavure» de l'armée algérienne. L'ex-officier avait assuré au juge en avoir informé les autorités françaises. «Je ne connais pas le général Buchwalter (...) S'il a fait un rapport, il n'est jamais remonté jusqu'à moi. (...) On ne m'a jamais parlé d'une «bavure de l'armée algérienne», avait répliqué M. Millon dans la presse. Entendu à son tour le 11 avril, Hervé de Charette a confirmé qu'une cellule avait été mise en place au Quai d'Orsay après l'enlèvement des moines mais qu'il ne l'avait présidée qu'une seule fois, selon la source proche du dossier. En 2009, l'ancien chef de la diplomatie du président Jacques Chirac avait également assuré n'avoir rien su d'une éventuelle «bavure» de l'armée algérienne. Le juge Trévidic a, par ailleurs, entendu, fin mars, l'ex-préfet Jean-Charles Marchiani, qui avait été chargé d'une mission auprès du GIA. Il a confirmé au juge que la mission avait été décidée par Jacques Chirac pour négocier une rançon, mais que le Premier ministre, qui n'en avait pas été informé, y a mis fin, signant «l'arrêt de mort des moines», selon le témoignage de l'ancien préfet, cité par Le Parisien. Les juges français enquêtant sur l'assassinat des moines du monastère de Tibehirine, Marc Trévidic et Nathalie Poux, ont adressé, en début d'année, une commission rogatoire internationale aux autorités algériennes. Ils ont demandé de faire exhumer et autopsier les têtes des moines et d'entendre les 22 témoins cités par des repentis du GIA.