Le projet de construction d'une usine Renault en Algérie balance entre réalité et… utopie. En d'autres termes, il baigne dans la confusion. De négociations à l'infini entourées de secrets bien gardés et imperméables, de déclarations certifiant le caractère chimérique du projet, auxquelles succèdent aussitôt d'autres assertions tout à fait contraires évoquant la possibilité d'un accord qui sera signé au lendemain du second tour de la présidentielle française du 6 mai, c'est ainsi que se décrit le projet d'une manufacture de la marque au losange, source d'inspiration par excellence des médias relevant des deux pays concernés par ce projet. Ce dernier était, une fois de plus, à la une des éditions de plusieurs journaux algériens de jeudi dernier. Des confrères ayant fait l'écho de la petite déclaration du ministre de l'Industrie, de la PME et de la promotion de l'investissement, Mohamed Benmeradi, qui avait accusé le constructeur français de faire traîner en longueur les négociations et de refuser la zone industrielle de Bellara, à Jijel, comme site devant accueillir la réalisation du projet. Et puis, le lendemain, l'agence de presse Reuters diffuse une information pour le moins surprenante, où il serait question d'un accord final devant être signé entre le gouvernement algérien et le constructeur Renault au courant de la première dizaine du mois de mai, avec pour seule précision que ce dernier serait paraphé au lendemain du second tour de l'élection présidentielle en France. S'exprimant au conditionnel, l'agence Reuters qui rapporte l'information en citant une source industrielle anonyme a tenu tout de même à préciser que le porte-parole de Renault s'est abstenu de tout commentaire au sujet d'une éventuelle signature d'un accord prévu dans un avenir très proche. Ce même porte-parole confirme en revanche que les négociations sont toujours en cours. Des questions sans réponses A la lumière de ce nouveau rebondissement dans le dossier Renault, l'on peut légitimement se poser des interrogations. La première qui vient à l'esprit concerne notre ministre de l'Industrie. Est-il possible d'envisager que Mohamed Benmeradi qui est chargé du dossier Renault ne soit pas au courant de la signature de cet accord prévu début mai, pour n'y faire aucune allusion lors de son évocation du projet mercredi dernier, en marge de la réunion de la commission mixte algéro-allemande ? La seconde interrogation est relative au timing de l'annonce de la signature d'un accord qui, remarque-t-on, est intervenue au lendemain de la montée au créneau de notre ministre de l'Industrie qui a déploré que les discussions avec Renault «aient pris plus de temps que prévu» et que «le partenaire étranger a considéré que le lieu proposé pour l'implantation de l'usine est loin du bassin de l'emploi et qu'il n'offrait pas les opportunités nécessaires». Hier, le constructeur Renault avait tenu son assemblée générale annuelle, au cours de laquelle le PDG Carlos Ghosn n'a soufflé mot sur l'existence d'un éventuel accord qui serait paraphé début mai avec le gouvernement algérien. Après Tanger, cap sur la Chine Le seul accord confirmé par Carlos Ghosn concerne le partenariat avec le chinois Dongfengh pour créer un projet industriel qui sera soumis au courant de cette année 2012. «Si tout se passe comme nous le souhaitons, nous devrions démarrer la production locale de voitures Renault fin 2015», a déclaré le PDG de Renault, en rappelant que le groupe avait signé un premier protocole d'accord avec Dongfeng en mars dernier. «Cet accord consiste à créer un projet industriel qui devrait être soumis à l'accord des autorités chinoises», a encore ajouté Carlos Ghosn, cité hier par le quotidien français Libération. Du coup, il devient certain que le prochain investissement du constructeur Renault en dehors du territoire français sera réalisé non pas en Algérie mais bel et bien en Chine. Ce qui est à même de remettre en cause les déclarations de M. Ghosn qui, lors de l'inauguration de l'usine de Tanger, au Maroc, a fait savoir que Renault «est extrêmement intéressée par la construction d'une usine en Algérie», ajoutant que «Renault est la première marque en Algérie, il n'est pas question de laisser qui que ce soit venir construire en Algérie une usine», insistant sur le fait que «si le gouvernement algérien souhaite une usine en Algérie, nous préférons que ce soit une Renault». Il convient de rappeler que la construction d'une usine Renault en Algérie sous forme d'un partenariat avec l'entreprise nationale SNVI devait initialement être réalisée au niveau de la zone industrielle de Rouiba, à l'est d'Alger. Les négociations entre les deux parties autour de ce projet d'une capacité de production de 50 000 véhicules par an ont été à chaque fois au menu des multiples visites effectuées l'année écoulée et début 2012 par Jean Pierre Raffarin, le chargé de mission de Sarkozy pour la promotion du partenariat économique algéro-français. Or, si l'on se fie aux sondages, Sarkozy céderait sa place à l'Elysée pour son concurrent socialiste François Hollande. quel sera alors l'avenir du projet Renault en Algérie ? Le futur proche nous le dira.