Nicolas Sarkozy a perdu, comme c´était prévisible, le combat qu'il a désespérément mené jusqu'au dernier jour de sa campagne électorale pour se faire élire pour un second mandat. Finalement, il passera dans l'histoire comme l'unique président sortant de la 5e République à avoir passé le moins de temps à l'Elysée. Les résultats du second tour (51,67% pour Hollande, contre 48,33% pour Sarkozy) peuvent lui apporter la consolation que ce scrutin, sans doute l'un des plus stressants pour les électeurs français et des plus suivis en Europe, s'est joué sur le «fil du rasoir», comme il l'avait prédit. Mais plus que ces pourcentages, c'est le raz-de-marée populaire observé, durant toute la nuit de dimanche à lundi à la place de la Bastille, qui apporte la meilleure preuve que les Français, et avec eux les étrangers dont le président sortant menaçait de réduire le nombre de moitié, voulaient massivement le changement. Le retour aux valeurs républicaines Le changement promis par François Hollande ne se limite pas aux mesures économiques pour réduire les dépenses publiques, contenir la tendance à la hausse du chômage ou trouver des solutions à la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs. Ce sont là, bien entendu, des difficultés qu'une bonne partie des salariés et des laissés-pour-compte ont fait payer à Nicolas Sarkozy qui a, selon l'expression de François Hollande et de Jean-Luc Mélenchon, « enrichi les plus riches et appauvri les plus pauvres». Le vrai changement proposé par le candidat socialiste élu a un sens encore plus profond que ces aspects sociaux et économiques. Ce changement est moral et citoyen, puisqu'il suggère un retour aux valeurs républicaines qui ont fait la force de la démocratie française. Revenir à la devise de «Liberté, Egalité, Fraternité», à laquelle l´artiste Guy Bedos, natif d'Algérie, a ajouté, hier à la place de la Bastille, la valeur de «Solidarité». Plus que d´avoir affaibli le poids de la France en Europe en cédant à la volonté de la chancelière allemande de faire payer la facture de la crise économique aux plus pauvres des Français, Nicolas Sarkozy a de tous les présidents français, hors gaullistes et socialistes, celui qui a le plus bradé les valeurs universelles de la France. Un pays où un citoyen sur quatre est d´origine étrangère. Comme lui et comme Rachida Dati. Le sentiment xénophobe du candidat sortant Le président Sarkozy semblait avoir oublié d´où il vient, dès lors que pris dans la vague des sondages qui le donnaient perdant à quelques jours du second tour, avait développé un discours aux limites de la xénophobie. Plus exactement de l´islamophobie. Le gaulliste Dominique de Villepin a dénoncé, courageusement, ces dérives de langage qui ont choqué jusque dans le camp de l'UMP. Le président du MoDem, François Bayrou, centre droit, a quant à lui carrément choisi de voter Hollande pour sanctionner Nicolas Sarkozy d´avoir appelé en renfort les électeurs du Front National, un parti qui avait obtenu environ 18% des suffrages au premier tour, soit plus de 6 millions d´électeurs. Hollande redonne espoir à l'Europe Le retour de la gauche au pouvoir en France a redonné espoir à la majorité des gouvernements du sud de l'Europe, socialistes ou conservateurs, plus déterminés, depuis dimanche soir, que jamais à faire bloc derrière François Hollande dans son combat pour la révision du pacte fiscal imposé par Angela Merkel. Mieux encore : faire triompher les valeurs de la démocratie et de la tolérance dans le Vieux continent livré à un bras de fer entre la gauche radicale antiraciste et l'extrême droite. C´est à cette situation kafkaïenne qu´aura conduit le discours de Nicolas Sarkozy qui a accentué les divisions au sein de la société française. Une fracture de société que François Hollande promet de s´employer à réparer. Un difficile pari à haut risque électoral pour le nouveau président qui attend de ses compatriotes les «moyens de gouverner» par une nouvelle victoire de la gauche aux législatives de juin prochain. C´est à ce prix que sera freinée la montée du sentiment anti-étranger en France. Une culture de classe et de race qui a fait école en Grèce, berceau de la démocratie consensuelle de Solan et du vote majoritaire de Périclès, où le mouvement nazi est aux portes du pouvoir. Le drapeau algérien à la place de la Bastille Sarkozy a fait des dégâts sur le plan des relations avec les pays les plus proches de la France, à leur tête l'Algérie, son principal partenaire économique, à laquelle elle est liée par l´histoire et le facteur humain. Les relations économiques et plus encore politiques, le jeu trouble de Paris au Sahel et au Maghreb, n'ont pas été, durant ces cinq dernières années, un exemple de coopération entre les deux pays. C'est le désastreux bilan diplomatique du désormais ex-président français qui a fermé les portes de son marché au gaz naturel algérien. Mais qu'importe, cette matière énergétique trouve preneur en Espagne et sur les marchés gaziers extérieurs. Cinquante ans après l'indépendance de notre pays, le gouvernement français refuse de reconnaître les crimes commis par le système colonial en Algérie, Sarkozy voulant tourner la page en mettant en avant la «tragédie» des harkis. Une injure à la mémoire du million et demi de martyrs qui a remis aux calendes grecques la conclusion d'un traité d'amitié entre les deux pays. La France a, elle, obtenu, de l'Allemagne les excuses pour les crimes nazis et Sarkozy, en grand ami d'Israël, a fait de la question du génocide juif le «devoir moral de toute l'humanité». Dimanche à la place de la Bastille, on a vu le drapeau algérien flotter aux côtés du tricolore. Ce fut un message d´adieu des Franco-Algériens à Sarkozy et d´espoir à François Hollande.