Warda la diva, Warda la voix d'or du monde arabe. Elle qui nous a appris à l'attendre chaque Premier Novembre chanter son pays, l'Algérie. Ce nom qu'elle porte en elle et dans sa voix. Pour ceux qui ont voulu qu'elle soit la remplaçante de Oum Kelthoum, elle leur a répondu : «Je ne suis ni la remplaçante ni la suivante de qui que ce soit». Née à Saint-Ouen près de Paris, de père algérien et de mère libanaise, elle a vécu à Paris jusqu'à l'âge de 16 ans entre cinq frères et sœurs et les tables du restaurant de son père, rue Saint-Séverin, appelé «Tam-Tam» (aux initiales Tunisie, Algérie, Maroc). Ce lieu servait aussi aux patriotes maghrébins. C'est de cette ambiance patriotique qu'elle fut imprégnée. L'amour de la patrie de son père où l'Algérie était un idéal pour celle qui allait devenir l'une des plus grandes stars de la chanson arabe. Elle avait aussi la nostalgie de ce pays qu'elle ne connaissait pas encore. «L'Algérie pour moi, c'était les histoires que me racontait mon père et l'alphabet arabe que ma mère m'apprenait dans la cuisine». Elle monte au créneau et chante «Nida Edhamir» Enfant, Warda découvre la chanson arabe en écoutant Oum Kelthoum et Leïla Mourad, notamment dans le café que détenait son frère Mohamed Ettorki à Barbès au début des années 50. Son premier disque, elle l'enregistre en 1952. Elle n'avait que 12 ans. «Ya m'raoueh Lebled», chanson nostalgique sur l'immigration composée par Lahbib Hachelaf et «Bladi ya Bladi» de Mohamed El Djamoussi. Ce fut alors le début de sa carrière artistique. Cette première expérience fut vite interrompue par les évènements d'Algérie, et pour des raisons de sécurité, la famille quitte la France en 1956 pour un exil difficile au Liban. Après une période d'adaptation et de tâtonnement, Warda réussit à se faire engager dans des clubs à Beyrouth. A Damas, dans un gala artistique, Warda passe en scène. C'était en 1956, elle avait 17 ans. «J'ai participé à ce gala ; il y avait de grands noms, Abdelhalim Hafedh, Wadi'e Essafi, Sabah, Abdelmoutaleb… J'ai chanté à 4 h du matin. Il y avait deux Warda, la Libanaise et moi. On m'a annoncé en public comme Warda El Djazaïria». En 1957, elle chante «Saïdouna Ila El Djibal», un hommage rendu aux maquisards. Warda prend fait et cause pour la lutte de Libération nationale Lors de la manifestation du 11 Décembre1960, Warda ne reste pas indifférente à cet évènement. Elle monte au créneau et chante «Nida Edhamir», paroles du docteur Salah Kherfi et musique de Riadh Essombati. «Laka houbi ya ouma taâlou Basmatou Ennasri tarana Wa youdjibou elayla Fadjrou min demana Saoufa alqaka maâ ennasrou Oi afrah El bachaïrSaoufa nabni oûchana Fi dhil tahrir El Djazaïr» Warda prend fait et cause pour la lutte de Libération nationale de l'Algérie et s'exile au Caire. Riadh Essombati, compositeur attitré de Oum Kelthoum, compose pour elle «Ya Houria ana bendahlek», «Djamila koulouna Djamila» du Libanais Affif Redhouane, un hommage rendu aux Djamila de la Révolution, «Ana min El Djazaïr», de Mohamed Mohcen…En 1962, elle découvre l'Algérie et se tait pendant 10 ans. «Je me suis mariée, j'ai fait la cuisine et deux enfants». Le grand retour Elle ressurgit sur scène en 1972 sur invitation du président Houari Boumédiène, à l'occasion du 10e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Elle chante «Min Baïd», paroles de Salah Kherfi et musique de Baligh Hamdi. C'est le déclic ! Warda reprend confiance. A l'âge de 32 ans, elle choisit la chanson et divorce. Depuis, elle n'a cessé de se battre pour introduire des mots simples dans la liturgie de la chanson arabe. Elle se marie avec le compositeur égyptien Baligh Hamdi, et là commencent les belles chansons sentimentales. «El Wadaâ» (Les adieux), une des chansons les plus vendues, ou «Khalik Hina» (Reste là). En Egypte, les compositeurs les plus doués se succèdent pour lui écrire des chansons. Entre autres, Husseïne Essayad, Riadh Essombati, Baligh Hamdi et sans oublier le compositeur génial et prolifique, Mohamed Abdelwahab. Elle enchaîne enregistrement sur enregistrement. Sa voix ample et emphatique et son élégance à l'allure impériale ravissent, avec ses rythmes vifs et entraînants et ses mélodies capricieuses. Elle chante les amours contrariées, les amours retrouvées et la femme délaissée. Son écho est tel que c'est par millions que se sont vendus ses disques et ses cassettes dans le monde arabe. Warda divorce de Baligh Hamdi en 1977, et beaucoup de gens se sont empressés de dire que c'était son déclin. Elle revient alors avec une nouvelle chanson pleine d'allégresse et de rythmes. «Fi youm wi lila». (En un jour et une nuit) de Mohamed Abdelwahab. Elle la chante à l'Olympia en 1979 où elle fut présentée par son ami d'enfance, le chanteur Charles Aznavour. Un hommage dans son paysIci, la voix arrive au comble de la tension, ample et chaleureuse, avec des envolées soudaines qui cassent le rythme et établissent entre le public et la chanteuse une intensité émotionnelle. «Ismaoûni» (Ecoutez-moi)… Puis c'est la conspiration : Warda est boycottée dans certains pays arabes sur la base controversée d'un article paru dans un journal koweitien faisant croire que «Warda soutenait la politique de Camp David». Mais en vérité, elle était en butte à des entraves orchestrées contre elle en raison même de son algérianité. Warda fut réhabilitée et redécouvre son public qui l'acclame. C'était le temps du raï et du reggae, elle délaisse alors les mélodies longues et langoureuses au profit de la chanson courte, «Batwanes bik», «Bahr el houb». «L'Algérie me manque comme à un poisson hors de l'eau. Surtout depuis que je commence à vieillir. Je crois que c'est humain. A cause de mon travail, je suis obligée de m'adapter et survivre. En Algérie, je suis bien dans ma peau. Mon pays, c'est tout ce que j'aime au monde après mes enfants». Après une longue absence pour des raisons de santé, Warda avait renoué avec son public en 2008 à Djemila (Sétif) et au Casif de Sidi Fredj. La reine du «tareb el arabi» mérite bien qu'on lui rende un hommage dans son pays, l'Algérie.