Hachemi Guerouabi aurait fêté son 70e anniversaire ce mardi si le destin n'en avait pas décidé autrement. Il était un grand maître du chaâbi, mais surtout un charmeur. Ses parents, originaires de Sour El Ghozlane, ne savaient sûrement pas qu'en s'installant à Alger ils allaient donner naissance à l'un des plus grands chanteurs algériens de chaâbi. Le petit Hachemi, qui vécut son enfance au quartier de Belouizdad, allait vite se faire remarquer par sa sympathie, son beau sourire et ses dons de footballeur et de chanteur. Au début des années 1950, au moment où il avait compris qu'il était très difficile pour ne pas dire interdit de continuer ses études sous l'occupation française raciste, Guerouabi se mit d'abord à jouer au football. Le footballeur opte pour la chanson Ses dons pour ce sport lui permirent d'obtenir une place d'ailier droit au Redoute Athletic Club (RAC), mais son amour pour le chaâbi était plus fort. Au début des années 1950, comme tous les jeunes, il entendait El Anka, Khlifa Belkacem, Hadj M'nouer, mais son préféré était Hadj M'rizek. Au quartier, un autre jeune, Abderrezak Bouguettaya, également beau et doté d'une très belle voix, faisait déjà parler de lui. Il sera vite remarqué par Si Abdelkader M., un technicien radio connu à Belcourt et La Casbah, et aujourd'hui homme d'affaires. Pour rappel, l'hymne national Qassaman avait été enregistré dans la maison de Si Abdelkader en présence de Moufdi Zakaria et A. Laghouati qui aurait proposé de passer l'enregistrement en direct sur les ondes de la RTF. Si Abdelkader présenta Guerouabi à Mahieddine Bachtarzi qui était chargé par les Français de diriger la section arabe de l'Opéra d'Alger. Bachtarzi, qui était une véritable machine à détecter et fabriquer les artistes, l'encouragea en lui donnant l'occasion de jouer dans des sketchs et à chanter en public. En parallèle, le jeune Hachemi avait déjà séduit le public de la salle Ibn Khaldoun (ex-Pierre Bordes) en chantant Mir El Ghram. Pantalon classique et pull-over blanc, Guerouabi, qui se tenait debout sans instrument, savait peut-être qu'un jour il allait finir par la chanson moderne. Entre qaçaid et chansonnettes Le futur voudra que son souhait soit mieux exaucé grâce au compositeur et parolier Mahboub Bati qui fera une révolution en modernisant le chaâbi. On verra alors au début des années 1970 Guerouabi faire un tabac avec El Barah et Megouani Sahrane. D'autres chansonnettes vont suivre, notamment Djouhra, Allo Allo, Ya L'werqa, Hakmet... En véritable maître du chaâbi, El Hachemi continuera de chanter les qaçaid telles que El Harraz, El Qahoua Ouletey. Il réussira sur les deux volets, car il avait de très bonnes connaissances des textes, une maîtrise de l'instrument et un sens exceptionnel de la communication. Guerouabi savait s'arrêter et lancer son joli sourire pour entendre un youyou lancé par une femme voilée au fond de la salle ou cachée derrière un rideau lors des fêtes de mariage. Il faut reconnaître que le charmeur aimait les femmes et les femmes l'aimaient. Son public était composé de femmes, mais aussi de jeunes et de moins jeunes. Le chanteur savait diversifier ses productions et répondait aux attentes de tous ses auditeurs. L'émigration Parti en France, où il avait ouvert une pâtisserie, il restera toujours attaché à son pays et son public qu'il retrouvera à plusieurs reprises, notamment lorsqu'il était invité par Arts et culture pour chanter à la salle Ibn Khaldoun puis au théâtre de Verdure. Hachemi Guerouabi, qui était un grand artiste, avait un look de gentleman et des idoles qui le suivaient lors de ses concerts et ses fêtes de mariage. Sa frange de cheveu et son sourire sont devenus une légende. Grâce à sa voix et à sa réussite, il est devenu le chanteur le plus imité d'Algérie. D'ailleurs, il y a eu même un certain «Guerouabi Sauvage» qui avait participé à une tournée organisée par le service culturel de Sonatrach. Le meilleur de ses imitateurs n'est pas son fils Mustapha, mais son neveu Sid Ali Dris qui est également son sosie. Les réalisateurs devraient penser à lui pour un scénario sur la vie de Guerouabi.