Oh, c'est juste pour se reposer. Quant à de vraies vacances… La formule revient, à mesure que s'amenuisent les… formules de vacances. L'Algérien «normal» prend un congé dont il ne sait quoi faire sinon que ça va l'éloigner du boulot, ce qui n'est déjà pas si mal. Et pas évident. Oui, c'est déjà un luxe pour les petites bourses de ne pas devoir trouver un travail souvent plus pénible que le régulier pour améliorer un tant soit peu le quotidien. Il faut bien faire bouillir la marmite. Travailler plus pour gagner des clopinettes, travailler quand on est censé se reposer, travailler quand d'autres se paient le farniente. Il y en a même qui prennent leur congé pour travailler «sérieusement» mais ils sont très peu nombreux et ils ne comptent pas, puisqu'ici, c'est de vacances qu'il s'agit. Les enfants, quand ils ne se «débrouillent» pas pour trouver quelque chose qui leur permette de payer habits et cartables, peuvent toujours aller s'ennuyer ailleurs. ça change drôlement de s'ennuyer loin du village ou du quartier. Quand on n'est pas assez astucieux pour inventer un créneau porteur, pas assez roublard et musclé pour imposer ses parasols ou marquer un espace de parking, il vaut mieux se… reposer. Il y a aussi les autres. Les déclassés et les reclassés dans les rangs intermédiaires. Il y a les orphelins de TunisHammamet. Ce n'était pas l'Eden mais ils avaient la paix et en prime un petit confort, même au rabais. Ils partaient souvent en voiture. Parce qu'en général, les reclassés et les déclassés des rangs intermédiaires ont des véhicules qu'ils ont fini de payer, puisque ça fait un moment que le crédit automobile a été supprimé par Ouyahia. Pour nous empêcher de nous endetter. Mais nous savons que c'est surtout pour empêcher ceux qui ne peuvent pas payer cash d'avoir des voitures et encombrer la route de ceux qui peuvent payer cash. Ou même à l'avance. Mais c'est de vacances qu'il s'agit, pas de voitures. Il paraît que ça va avec mais pas sûr, puisque Ouyahia a des voitures et ne prend jamais de vacances. Il y a les «juste après» les intermédiaires. Ils peuvent se payer. Ils peuvent se payer Istanbul ou Alicante, la banlieue de l'Europe. Là où les agences de voyages peuvent leur obtenir les visas. De là où ils peuvent revenir frimer sans gloire. Il y a les riches, les nouveaux et les anciens que presque rien ne sépare désormais. Ils vont dépenser sans compter pour revenir aussi bedonnants que ploucs. Mais toujours aussi riches. Et puis tout le reste. Ceux qui vont écouter chanter les cigales et ceux qui vont compter les fourmis qui sortent du trou. Ceux qui se baigner dans l'oued et se noyer dans les barrages vaseux. C'est demain les vacances mais personne n'est gai. Même pas l'écolier.