On pensait que c'était une évidence, la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) vient de nous rappeler que ce n'est pas si… évident que ça. Deux semaines après l'ouverture officielle de la saison estivale, la police nationale s'est, en effet, cru obligée de convoquer les journalistes à son Ecole de Châteauneuf pour leur apprendre qu'elle «imposera le respect des lois de la République de toutes ses forces» ! Tout le monde l'aura compris, c'est d'été et de plages qu'il s'agit. En l'occurrence, il est question de ne faire aucune concession aux inquisiteurs, qui, gardiens autoproclamés de la morale publique, font chaque été le tour des plages pour mesurer la taille des tenues de bain et semer la terreur parmi les estivants. Toute l'année durant, d'autres bandes, ou les mêmes, s'occupent de fermer, souvent avec violence, les débits de boissons alcoolisées, ou font la chasse aux jeunes couples coupables d'échanger des câlins, quand ce n'est pas simplement de s'isoler pour faire causette loin des oreilles baladeuses. Toutes ces «opérations» pourtant, il arrive souvent que ce soit des policiers ou des gendarmes qui… s'en chargent ! Les exemples de fermeture abusive de bars et d'arrestation de couples «illégitimes» par les services de sécurité, ce n'est vraiment pas ce qui manque, mais c'est toujours un bonheur de voir la police retrouver ses véritables missions, celles de mettre le citoyen en sécurité et d'appliquer les lois de la République ! Mieux vaut tard que jamais donc. Et l'idée de voir la police des plages en mission de dissuasion et de répression de tous ceux qui auront la mauvaise idée d'aller traquer les baigneuses en… maillot de bain est déjà enthousiasmant en soi. Sauf que le commissaire chargé d'apprendre à la presse que la police va imposer fermement le respect des lois de la République précise que non seulement «la police va agir là où elle est présente contre les atteintes aux libertés individuelles et contre l'infraction aux lois», mais elle va aussi le faire «à l'encontre de ceux qui ne respectent pas les règles de la société algérienne» ! Or, c'est ce genre d'approximations qui laisse ouverte la porte à tous les abus. Comme il n'existe dans la loi rien qui s'appelle «le respect des règles de la société algérienne», chaque policier ou gendarme se retrouve libre d'aller en chercher là où ça l'arrange, où ça arrange sa hiérarchie, quand ce n'est pas tout simplement là où ça arrange l'opinion bien pensante de son environnement immédiat. Et ça peut donner des expéditions dans les rochers pour dénicher de jeunes couples, ou carrément des conclusions sur la nature provocante ou indécente d'un comportement un peu trop détendu sur une plage. Bien sûr, c'est déjà ça de gagné d'entendre l'intransigeance du commissaire Naïli, directeur de la sécurité publique, et sa détermination à ne pas «abandonner (leur) mission à d'autres». C'est surtout ça de gagné d'entendre que les inquisiteurs, gardiens autoproclamés de la morale publique, sont expressément désignés, ce qui, non plus, n'est pas toujours une… évidence. Il faut seulement oser espérer que cette détermination soit l'émanation d'une volonté politique, que cela dure et que ça s'étende à tous les espaces de vie des Algériens. Sinon, ce ne sera qu'un nuage… d'été qui aura collé à une conjoncture, avant que le citoyen ne soit à nouveau sommé de quitter la récréation. Pourtant, on a beau dire, les Algériens veulent vivre et ils l'expriment chaque jour que Dieu fait. Sinon, ils n'auraient peut-être pas eu besoin qu'une institution de la République les rassure sur le… respect des lois de la République. Et que la police va faire la police contre ceux qui s'érigent en policiers ... des plages, des restaurants et des allées boisées.