De violents combats mardi dans l'extrême sud-est de la Turquie ont fait 18 morts -huit soldats et dix rebelles kurdes- des heurts qui interviennent dans un contexte politique dominé par de timides initiatives en faveur d'une solution à cet interminable conflit. Seize militaires ont aussi été blessés dans l'attaque qui a visé le poste de Yesiltas, dans la province de Hakkari, a-t-on ajouté de source officielle. Un groupe de rebelles, probablement infiltré en Turquie à partir de bases installées dans le nord de l'Irak, a attaqué le poste avancé, selon les chaînes de télévision. Cette région montagneuse de Turquie, à l'intersection des frontières irakienne et iranienne, est le théâtre de fréquents heurts entre l'armée et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui multiplient les attaques en territoire turc avec l'arrivée de l'été. Des ministres et des responsables militaires se sont immédiatement rendus sur les lieux. Généralement, l'aviation turque bombarde les positions du PKK en Irak, en riposte à de telles attaques. Le PKK, qui a lancé un conflit armé en 1984 pour défendre les droits des Kurdes de Turquie, est considéré comme une organisation terroriste par de nombreux pays. Son chef, Abdullah Öcalan, purge depuis 1999 une peine de prison à perpétuité. Depuis près de 30 ans, le conflit a tué plus de 45.000 personnes. Après l'échec d'une politique d'ouverture pro-kurde en 2009, le régime islamo-conservateur du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a opté de nouveau pour la fermeté, multipliant les opérations armées contre le PKK et les arrestations. Des centaines de militants ou sympathisants de la cause kurde ont été incarcérés depuis l'an dernier. Et la semaine dernière, le maire de Van, l'une des plus importantes villes du sud-est peuplé majoritairement de Kurdes, Bekir Kaya, et cinq de ses collègues, des maires élus sous l'étiquette du parti kurde BDP (Parti de la paix et de la démocratie), ont été placés en détention préventive et ajoutés à la liste des accusés dans le dossier tentaculaire du KCK, la branche urbaine du PKK. La justice a également condamné la députée de Van, Aysel Tugluk, à 14 ans de prison pour propagande en faveur du PKK. Toutefois, des signes d'apaisement sont apparus depuis le début du mois. La figure de proue du militantisme kurde en Turquie, Leyla Zana, est sortie de sa réserve, affirmant le week-end dernier "mettre tous ses espoirs dans le Premier ministre Erdogan, car il a toutes les capacités de parvenir à un règlement" de la question kurde. Les déclarations de la députée kurde, emprisonnée pendant dix ans pour la défense des droits de sa communauté (12 à 15 millions sur une population de 73 millions) ont été saluées par l'ensemble de la classe politique. M. Erdogan a même indiqué qu'il serait prêt à la rencontrer. Dans la foulée, il a annoncé que la langue kurde pourrait bientôt être enseignée, en cours optionnel, dans les écoles secondaires publiques. Le parti gouvernemental de la justice et du développement (AKP) et le principal parti d'opposition CHP (Parti républicain du peuple), se sont d'autre part entendus sur une feuille de route, à l'initiative du CHP, qui prévoit la formation d'une commission de sages chargée de proposer des solutions au conflit. La démarche s'annonce difficile, car si le BDP a accueilli favorablement l'initiative, la droite nationaliste l'a rejetée.