Est la fin de « l'ouverture démocratique » lancée l'an dernier par Recep Tayyip Erdogan et son gouvernement pour mettre fin au conflit lancé en 1984 par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour créer un Etat indépendant ans le sud-est de la Turquie? La dissolution du principal parti pro-kurde de Turquie, les arrestations en série des militants kurdes, la reprise des attaques contre les militaires et les répliques musclées de ces derniers le laisse penser. Des chasseurs turcs ont bombardé hier les positions des rebelles kurdes. Selon l'armée, ils auraient riposté à une attaque menée dans la nuit de vendredi à samedi contre un poste de gendarmerie situé à la frontière entre la Turquie et l'Irak. Bilan de ce raid appuyé par des hélicoptères : 8 soldats tués, 14 autres blessés. Erdogan qui dénonce cette attaque qualifiée de «lâch», soupçonne le PKK qu'il a juré de combattre «jusqu'au bout» de chercher à saboter son «offre» de paix. Dans un message adressé l'armée, il a souligné que la Turquie qui avait, pour mettre fin à ce conflit qui a fait plus de 45.000 morts, proposé l'an passé un plan pour renforcer les droits des Kurdes et développer les investissements en Anatolie, est « prête à payer le tribut » nécessaire pour « anéantir » le PKK. «Face au terrorisme, nous disons: démocratie (...) Nous prenons tous les risques (...) pour que les jeunes ne meurent plus, pour faire cesser les pleurs des mères» dit-il sans ignorer que sa décision d'accorder le droit d'enseigner la langue kurde et de diffuser des programmes audiovisuels en kurde ne plait pas aux nationalistes turcs et aux cadres du PKK. Comme ses ministres, il soupçonne Israël, un pays avec lequel le courant ne passe plus depuis l'arraisonnement de la flottille « Free Palestine » et l'attaque contre la base d'Iskenderun, d'être derrière le « réveil » du PKK, en mal de sponsor. Le PKK qui a mis fin le 31 mai dernier à son cessez-le-feu unilatéral avec Ankara, a revendique l'opération de vendredi à samedi où il aurait perdu 12 combattants. «J'abandonne. Je n'ai pas pu trouver d'interlocuteur» déclare depuis sa cellule Abdullah Öcalan espérant que «les civils innocents ne souffriront pas » et une «autonomie démocratique » pour sa communauté comme «solution». Les Kurdes doutent des intentions du gouvernement qui a dissous le DTP, un parti kurde laïc, tué plus de 130 d'entre eux depuis mars dernier, ordonné l'arrestation de centaines de kurdes soupçonnés de militer dans l'Union des Associations du Kurdistan (KCK), une association considérée par le parquet comme la branche urbaine du PKK. Ahmed Denis, un responsable de relations extérieures du PKK, pointe un doigt accusateur sur le gouvernement qui n'aurait pas saisi à six reprises l'offre de paix des Kurdes. Selon lui, 1.500 membres du PKK ont été arrêtés par les autorités turques depuis un an. Les politiques commencent à s'immiscer dans ce conflit. Devlet Bahceli, chef de file du Parti d'action nationaliste (MHP, extrême droite anti-européenne), estime que le gouvernement est responsable de cette situation. Il réclame le rétablissement de l'état d'urgence dans le sud-est du pays, auquel l'AKP, la formation d'Erdogan, a mis fin en 2002 lors de son accession au pouvoir. Avec le retour de conditions météorologiques plus clémentes, le PKK pourrait multiplier les opérations militaires.