Cette décision risque de compliquer grandement la tâche du gouvernement, qui vient de tendre la main à la communauté kurde pour tenter de mettre fin à 25 ans de conflit. La Cour constitutionnelle turque a prononcé vendredi soir la dissolution du principal parti pro-kurde du pays, une décision qui a été immédiatement suivie de manifestations de colère dans la communauté kurde, dans le sud-est du pays et à Istanbul. Cette décision risque de compliquer grandement la tâche du gouvernement, qui vient de tendre la main à la communauté kurde pour tenter de mettre fin à 25 ans de conflit. Le Parti pour une société démocratique (DTP) a été dissout car il était devenu un «foyer d'activités préjudiciables à l'indépendance de l'Etat et à son unité indivisible», a déclaré à la presse le président de la Cour Hasim Kiliç, au terme de quatre jours de délibérations. La décision a été prise à l'unanimité des 11 juges, alors qu'une majorité qualifiée de sept voix était requise pour prononcer la dissolution, a indiqué M. Kiliç, ajoutant que 37 des cadres du parti, dont son président Ahmet Türk et la députée Aysel Tugluk, sont bannis de la vie politique pour une durée de cinq ans. Le juge a également annoncé la levée de l'immunité parlementaire dont bénéficiaient M. Türk et Mme Tugluk et la confiscation par le Trésor des biens du parti. Le DTP dispose de 21 sièges au Parlement (sur 550). Ses dirigeants avaient prévenu avant le verdict que les députés quitteraient le Parlement plutôt que de siéger comme parlementaires sans étiquette. La décision fait suite à une procédure lancée en 2007 par le procureur de la Cour de cassation Abdurrahman Yalçinkaya, qui accuse le DTP d'obéir aux «directives» du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste par Ankara et de nombreux pays. Nombre d'observateurs estiment que le DTP est la vitrine politique légale des rebelles du PKK. Le parti assure cependant qu'il n'a «pas de liens organiques» avec le PKK, mais refuse de qualifier celui-ci d'organisation terroriste et appelle le gouvernement à négocier avec lui. Le verdict de la Cour intervient alors que le gouvernement vient de tendre la main à la communauté kurde en proposant une série de mesures renforçant ses droits, pour tenter de tarir le soutien des Kurdes au PKK et mettre fin au conflit. Les dirigeants du DTP avaient affirmé qu'une dissolution pourrait entraîner une recrudescence des tensions dans le sud-est anatolien, où de nombreuses manifestations contre les conditions de détention du chef du PKK Abdullah Öcalan ont dégénéré en heurts avec la police ces dernières semaines. Dès l'annonce de la justice, un millier de manifestants se sont rassemblés devant les locaux du DTP à Diyarbakir, la grande ville du sud-est peuplée en majorité de Kurdes. Les forces de l'ordre ont tiré des grenades lacrymogènes et utilisé des canons à eau, alors que des manifestants lançaient des cocktails molotov ou des pierres, avec des frondes. Une centaine de personnes ont manifesté également à Istanbul. Après le verdict, M. Türk a affirmé que la décision de la Justice allait «approfondir le désespoir». «La Turquie ne peut pas résoudre cette question (kurde) en interdisant un parti», a-t-il déclaré à la presse. Le gouvernement, formé par un parti issu de la mouvance islamiste, a également déploré la décision. «Nous sommes opposés par principe à lafermeture des partis. Cela ne résout rien», a déclaré le ministre de l'Energie Taner Yildiz. «Cette décision est un torpillage total de l'ouverture démocratique» lancée par le gouvernement, a commenté l'analyste politique Ahmet Insel. «On peut s'attendre, évidemment, à une réaction du PKK», a-t-il ajouté. Jeudi, le PKK a revendiqué une attaque qui avait tué sept soldats trois jours plus tôt dans le nord de la Turquie, une des plus meurtrières de ces derniers mois.