Après avoir pris le pouvoir sans effusion de sang, la junte au pouvoir en Guinée depuis le 23 décembre a arrêté seize militaires et trois civils, dont plusieurs proches du défunt président Lansana Conté, qui étaient toujours détenus hier. Cette vague d'arrestations intervient avant un sommet demain au Nigeria des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui devraient officiellement confirmer la suspension de la Guinée de cette organisation régionale. L'Union africaine (UA) avait déjà suspendu Conakry le 29 décembre de ses activités. Mais des divergences sont apparues sur le continent, les dirigeants sénégalais Abdoulaye Wade et libyen Mouammar Kadhafi ayant pour leur part appelé à soutenir les putschistes. Les 19 personnes arrêtées par vagues successives depuis samedi sont détenues au camp Alpha Yaya Diallo, plus important camp militaire du pays et quartier-général des putschistes, selon ces sources militaires, confirmées par plusieurs membres de l'entourage des personnes interpellées. Parmi les personnes arrêtées figurent trois généraux mis à la retraite par la junte : l'ancien chef d'état-major de l'armée, le général de division Diarra Camara, l'ex-chef d'état-major de la marine, le vice-amiral N'fali Daffé, ainsi que son adjoint, le contre-amiral Fassiriman Traoré. Ces trois arrestations avaient été annoncées mardi, de sources proches des familles. L'armée guinéenne constituait le pilier des régimes de Ahmed Sékou Touré (1958-84) et Lansana Conté (1984-2008), mais le putsch du 23 décembre a révélé au grand jour des divisions entre les généraux et la troupe. Deux colonels, dont Vivas Sylla, un des proches du «général-président» Lansana Conté, trois commandants dont Siaka Camara, neveu du défunt président et un des membres de sa garde présidentielle, chargée de sa sécurité personnelle, comptent parmi les personnes détenues, selon ces sources. Il y a également trois capitaines, un lieutenant, trois sous-lieutenants et un sergent. Trois civils sont également détenus : un douanier, un haut fonctionnaire et un journaliste. Aucune explication officielle n'a été donnée sur cette vague d'arrestations. Mais juste après le coup d'Etat, le journaliste et un des capitaines arrêtés s'étaient rendus au Conseil national de la communication (CNC), instance de régulation de la presse, avaient pris le véhicule du président de cette instance et s'étaient autoproclamés responsables du CNC. Deux jours après, des militaires de la junte les avaient arrêtés et avaient réinstallés les dirigeants «renversés». La junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara avait pris le pouvoir lors d'un putsch sans effusion de sang quelques heures seulement après l'annonce de la mort du président Conté. Le raidissement des nouvelles autorités militaires intervient au moment où la Cédéao et les Etats-Unis accentuent leur pression sur les putschistes pour un retour rapide du pouvoir aux civils.