Arrivé, la nuit tombée, à Tessalit, un petit hameau construit en grande partie en parpaing, nous sommes invités par des éléments d'Ançar Eddine à entrer dans une porte qui donne sur une cour dans laquelle sont stationnés des camions du Croissant-Rouge algérien transportant les aides humanitaires. La bâtisse, fortement protégée par des éléments d'Ançar Eddine, est une sorte de quartier général local de ce mouvement. Une colline surplombe le QG local. Notre descente du véhicule à bord duquel nous sommes arrivés est surveillée. Le conflit armé au nord du Mali a appris aux éléments d'Ançar Eddine à être extrêmement méfiants. Le président du Croissant-Rouge algérien (CRA), Dr Benzeguir Hadj Hamou, que nous rencontrons pour la première fois, se lève et vient à notre rencontre, étonné de notre présence sur les lieux. «Comment êtes-vous arrivés ici ?», nous demande-t-il. Avant même de répondre, le chef d'Ançar Eddine à Tessalit nous invite à prendre place et demande à ce qu'on nous amène de l'eau ou des boissons gazeuses. D'un calme olympien, le chef du groupe pose certaines questions se rapportant sur les raisons de notre présence au nord du Mali. «Les journalistes dénaturent parfois complètement l'identité réelle d'Ançar Eddine», dira-t-il, après avoir appris notre fonction. L'esprit très pensif, concentré, mais souriant, il demande à ce qu'on nous ramène à manger. Vigilance oblige, d'autres éléments d'Ançar Eddine surveillent nos moindres gestes. «Nous devons partir cette nuit» C'est autour de la même table que nous nous sommes installés. Le dîner est vite servi. Le président du CRA, Benzeguir Hadj Hamou, discutait avec le chef du groupe d'Ançar Eddine sur les modalités de la distribution des aides humanitaires aux populations. La région de Tessalit a droit à 20 tonnes des 70 tonnes d'aides humanitaires (produits alimentaires et produits médicaux) acheminées par le Croissant-Rouge algérien pour Kidal. «Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je vous propose le chargement des 20 tonnes destinées à Tessalit, aujourd'hui, au lieu de les acheminer jusqu' à Kidal où, peut-être, des problèmes de leur transport jusqu' ici pourront surgir», dira le chef du groupe d'Ançar Eddine au président du CRA. «Bonne idée, nous déchargeons les 20 tonnes et nous partons vers Kidal pour l'acheminement des 50 tonnes qui restent», répond Dr Benzeguir Hadj Hamou. L'initiative permet, il est vrai, de gagner du temps en faveur des populations locales puisque les vivres leur seront livrés plus rapidement. Au nord du Mali, ou dans l'Azawad, c'est le temps des pluies qui, pourtant, se font rares. Immense problème en termes de pâturage pour les bétails. Autant de raisons qui font que les aides doivent parvenir dans les meilleurs délais. «Vous ne partirez pas cette nuit à Kidal. Vous passez la nuit ici et demain et vous partez», lance le chef du groupe de Tessalit d'Ançar Eddine au président du CRA. «Non, nous partons cette nuit même, pour arriver le plus tôt possible à Kidal», répond Dr Benzeguir Hadj Hamou. «Mais pas avant de dîner», lance le chef d'Ançar Eddine. «C'est d'accord», dira le président du CRA. C'est ainsi que 20 tonnes d'aides humanitaires ont été déchargées, mercredi 25 juillet, à Tessalit, pour être distribuées aux habitants de cette localité. «Hanou fikoum» Le chef d'Ançar Eddine apprécia l'empressement du président du CRA et de la délégation algérienne qui l'accompagne de distribuer le plus tôt possible les aides à la population de Kidal. «Hanou fikoum» (en langue tamasheq signifie ils vous attendent), dira le chef du groupe d'Ançar Eddine. Vêtus en tissu léger, baskets et de tenues ressemblant à celles afghanes, les éléments d'Ançar Eddine, pas tous barbus, prennent place au milieu de la cour de la bâtisse, discutant et se préparant au départ. Une équipe est chargée d'escorter à bord de deux Toyota Station, dont l'une est équipée d'une lourde mitrailleuse, le convoi humanitaire dépêché par l'Algérie au bénéfice des populations de Kidal. Le président du Croissant-Rouge algérien s'approche de nous pour dire que «puisque vous êtes entrés tout seuls en ce territoire, nous vous proposons de vous accompagner jusqu'à Kidal. Nous n'allons pas vous laisser dans le désert». Trois camions contenant les aides et trois véhicules tout-terrain formant le convoi humanitaire démarrent, escortés par Ançar Eddine. Des brigands ou autres groupes armés pourraient tendre une embuscade au convoi et détourner les aides. Les gens d'Ançar Eddine expliquent que c'est pour que ces aides arrivent à leurs destinataires, c'est-à-dire les populations, que l'escorte est nécessaire. Direction la ville de Aguelhouk, avant d'arriver à Kidal. 400 kilomètres séparent Bordj Badji Mokhtar (en Algérie) et Kidal (au Mali). «Mais, ici, dans le désert, on ne parle pas en matière de kilométrage, mais plutôt du paramètre temps», nous explique un des membres de la délégation. Ce sont environ dix heures de temps de marche entre les deux villes. En cours de chemin, et sous un ciel dégagé, diverses questions traversent les esprits, comme celle de savoir pourquoi les éléments d'Ançar Eddine sont-ils vêtus en tenue afghane. On nous explique que «ce n'est pas pour ressembler aux Afghans», mais que «c'est uniquement pour des considérations pratiques liées à la nature du désert». «Le début de la chaîne alimentaire» Après plusieurs heures de marche, une halte. C'était pour préparer du thé. Le convoi redémarre peu de temps après. Vers 4 heures du matin, le convoi s'immobilise. Tout le monde descend. C'est le terrain choisi pour le campement de la nuit. Des éléments du Croissant-Rouge algerien et d'Ançar Eddine vérifient qu'il n'existe pas de touffes d'herbes dans les environs. «Dans le désert, il ne faut jamais passer la nuit près des touffes d'herbes, car ce sont des graminées et le début de la chaîne alimentaire qui attire les rongeurs et les prédateurs dont les plus dangereux sont les serpents», nous dira un membre du convoi. «Comme il ne faut jamais passer la nuit au même endroit où vous avez mangé, car les restes des vivres attirent les serpents et autres», ajoute-t-il. Des éléments d'Ançar Eddine se séparent du groupe pour se poster à quelques dizaines de mètres plus loin. L'endroit pour le campement est choisi aussi pour des considérations sécuritaires. Il doit permettre de déjouer toute tentative d'attaque contre le campement de la part de groupes armés ou brigands, explique-t-on.