Autrefois, les femmes trouvaient un plaisir à endormir leurs bébés en leur chantant des berceuses. Les chansons les plus usitées et les plus connues étaient Bari Ya Bari, Gouchla Ya Gouchla et Ya H'djendjel.Ces femmes, qui chantaient aussi lors des fêtes de mariage pendant la pose du henné, devenaient de plus en plus demandées pour animer les fêtes familiales. Avec l'avènement du phonographe et après beaucoup d'hésitation, les premières femmes ont fini par franchir le pas en enregistrant des disques. Le premier disque signé par Habba La première est Habba, une chanteuse des environs de Djelfa qui avait enregistré un disque sur le premier phonographe qui était de forme cylindrique, au début des années 1900. Ce passage au professionnalisme de Habba lui a valu la colère de tout son village qui aurait décidé de l'exiler. Très audacieuse, la chanteuse Habba s'est inspirée de cette réaction pour écrire et chanter une complainte dans laquelle elle raconte ce rejet de sa famille et de son village. Aujourd'hui, il n'existerait qu'un seul disque cylindrique de Habba que détiendrait un collectionneur de Djelfa. La deuxième femme ayant osé franchir le pas pour se faire un nom dans le domaine de la chanson — qui était réservé aux hommes — est Yamna bent El Hadj El Mahdi, fille d'une famille respectable de La Casbah d'Alger. C'est cette dame qui ouvrira les portes de la pratique artistique à toutes les femmes. Elle fut d'abord suivie par Meriem Fekkai qui a commencé par danser avant de passer à la chanson. En parallèle, la chanteuse kabyle Chabha était également invitée par Mahieddine Bachtarzi pour animer les spectacles qu'il organisait déjà quand il était président de l'association El Motribia. Bien que Yamna avait enregistré ses premiers disques au début des années vingt, Meriem Fekkai, qui est née à Alger et surnommée El Bessekria à cause de l'origine de ses parents, a fait sa première sortie sur scène qu'en 1929. A la même époque, d'autres femmes ont suivi et ont donné des concerts. Les plus connues étaient Fettouma El Blidya, Soltana Daoud qui fut surnommée Reinette par son maître Saoud El Medioni. Née à Tiaret, Reinette a connu ses années de gloire à Oran. Sur la voie de Yamna Tout comme Yamna et Fekkai, Reinette s'était spécialisée dans le hawzi. Après s'être imposée à Tlemcen au côté de Abdelkrim qui l'accompagnait, cheikha Tetma a décidé de s'installer à Alger où la concurrence était rude. Plusieurs chanteuses allaient entrer en lice, notamment Fadhila Dzirya et Alice Fitoussi. Cette chanteuse, qui a animé ses dernières fêtes de mariage au début des années soixante-dix, a fini sa carrière comme voyante à El Biar avant de repartir en France où elle serait morte. Contrairement à Fadhila Dzirya qui était analphabète, Tetma avait une certaine culture et jouait aussi bien du violon que de la kouitra. Toutefois, la plus grande violoniste reste à ce jour Maâlma Yamna. Généralement, les musiciennes des orchestres féminins étaient aussi des chanteuses. C'est le cas par exemple de Fadhila Dzirya qui accompagnait Meriem Fekkai et Latifa qui avait enregistré sur disque 78 tours El aïn ezzerga. Les années cinquante ont été marquées par l'arrivée de nouvelles chanteuses de talent, notamment Seloua pour le hawzi et Nora pour le moderne. Par la suite, des chanteuses telles que Fettouma Ousliha, Thouraya et Nadia allaient prendre une bonne place au hit-parade. La Kabylie avait également sa panoplie de chanteuses, notamment Chrifa, H'nifa, Djamila, Nouara et Djida qui ont suivi la voie de Chabha. Dans la région des Aurès, c'est Beggar Hadda qui a dominé la chanson féminine au moment où le grand Aïssa Djermouni était invité à donner un concert à l'Olympia. Dans le Constantinois, certaines femmes ont fait les beaux jours de la chanson du terroir, telles que Safia Echamia, Thouraya et Zhor Fergani qui n'est autre que la sœur du grand maître du malouf.