Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) comptent encore les coups dus à l'arrestation, le 15 août de l'année en cours, par les forces spéciales de l'Armée nationale populaire (ANP) d'Abou Ishak Essoufi, émissaire de Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, pour le Sahel. L'éviction de Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El Abbès, de la tête de katibate el moulatamine (phalange des enturbannés) est une des conséquences collatérales de l'arrestation de l'émissaire de l'actuel émir national d'Aqmi, Abdelmalek Droukdel. L'émissaire d'Aqmi avait pour tache de «réconcilier» différents émirs de l'organisation terroriste, dont Mokhtar Belmokhtar et Abdelhamid Abou Zeid, émir de katibate Tarek Ibn Ziad. Abou Ishak Essoufi étant arrêté, la «réconciliation» n'a pas eu lieu, et les conséquences de cet échec pour Aqmi ont été immédiates. Le décès de Abou El Kama, dans un «accident de voiture», à quelque 200 kilomètres de Gao, ville du nord du Mali, peu de temps après la tentative de «réconciliation» entre émirs mise en échec, serait l'une des conséquences pour Aqmi. Des sources contredisent la thèse de «l'accident» avancée par Aqmi, optant plutôt pour une «liquidation physique» découlant d'une guerre sans merci déclenchée entre chefs d'Al Qaïda au Maghreb islamique. Abou El Kama était considéré comme étant le véritable émir d'Aqmi pour le Sahel. Avant lui, rappelle-t-on, ont été mis hors d'état de nuire Abou Chanab et Abou Hakim. Peu de temps après, Abou El Kama a été remplacé par Yahia Abou Hamam, secondé par Abdelhamid Abou Zeid, ennemi juré d'Abou El Abbès. Comme rapporté dans notre édition datée du 5 octobre 2012, il était clair que Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El Abbès, fait les frais de la nouvelle option d'Aqmi après l'échec de «réconciliation» entre certains de ses émirs. En effet, Aqmi a annoncé, dernièrement, que Mokhtar Belmokhtar n'est plus émir de katibate el moulatamine. Une éviction qui semblerait directement liée à la désignation de Abdelhamid Abou Zeid comme «adjoint» du nouvel émir d'Aqmi pour le Sahel. Ce qui contredit les «explications» d'Aqmi autour de l'éviction de Khaled Abou El Abbès. L'organisation terroriste a nié toute «dissension» interne. Les faits prouvent le contraire. Les dissensions remontent à plusieurs années lorsque Hassan Hattab, alias Abou Haydara, ex-émir national du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenu Aqmi) avait exprimé son intention de se rendre aux autorités après avoir été menacé de mort par Abdelmalek Droukdel qui lui a succédé à la tête de la nébuleuse. Mokhtar Belmokhtar était, à l'époque, émir de la zone 9 du GSPC, et bras droit de Amari Saïfi, alias Abderrezak El Para, émir de la zone 5. Les deux émirs étaient proches de Hassan Hattab et se trouvaient menacés par leurs acolytes, au même titre que Hassan Hattab. En 2003, l'ex-émir de la zone 5 du GSPC avait, avec Khaled Abou El Abbès, créé katibate Tarek Ibn Ziad dont le premier enlèvement était le rapt de 32 touristes occidentaux dans le désert algérien. Peu de temps après, et avec la fuite de Hassan Hattab des maquis, Abdelmalek Abderrezak El Para a, par la suite, été arrêté au Tchad, par un ex-mouvement rebelle tchadien. Khaled Abou El Abbès avait, alors, assuré la chefferie de katibate Tarek Ibn Ziad. C'est ainsi que Abdelmalek Droukdel, qui avait pris la tête du GSPC, désigna Abdelhamid Abou Zeid à la tête de katibate Tarek Ibn Ziad, lui ordonnant de liquider physiquement Khaled Abou El Abbès si nécessaire. Ce dernier et le nouvel émir de cette katiba sont, depuis, devenus ennemis. Il y a quelques années, Hassan Hattab, devenu «repenti», avait lancé des messages à ses ex-acolytes les invitant au repentir et au dépôt des armes. Nombre d'éléments d'Aqmi se sont rendus, d'autres se trouvant toujours dans les maquis, dont des collaborateurs de Khaled Abou El Abbès. Cette situation fait que ne soit pas écartée un face-à-face entre pro-Droukdel et pro-Hattab, sur fond de dissensions qui ne pourraient qu'affaiblir davantage l'organisation terroriste au moment où est évoquée une éventuelle intervention militaire au nord du Mali.