«La Libye est libre !» s'étaient exclamés les opposants armés, la «communauté internationale» et les principaux médias internationaux le 20 octobre 2011. Un an après l'assassinat du guide libyen déchu, le constat est pourtant amer : instabilité politique, insécurité, détérioration des droits de l'homme, économie désastreuse et risque d'embrasement dans la région, la Libye post-Kadhafi peine à renaître de ses cendres. «La Libye n'a pas été totalement libérée», nous dit-on désormais. Un aveu du président de l'Assemblée nationale libyenne himself. Dans un discours diffusé dans la nuit de vendredi, Mohamed Al Megaryef dresse un bilan sombre de la première année post-Kadhafi. Trois mois après les premières élections depuis 40 ans, le pays peine à former un gouvernement. Le Premier ministre élu lundi dernier, Ali Zeidan, ne dispose plus que de huit jours pour former un gouvernement approuvé par l'Assemblée nationale, ce que son prédécesseur, Moustapha Abou Chagour, avait échoué à faire à deux reprises. Dans un pays marqué par l'amateurisme politique et les luttes tribales, la formation d'un gouvernement faisant l'unanimité n'est pas une mince affaire. Aussi, et malgré des élections «démocratiques», les autorités libyennes sont toujours en quête de légitimité. En témoigne la résistance, toujours en cours, de certaines régions à l'image de Bani Walid. Les bombardements de la ville, mercredi, avaient d'ailleurs pour but de canaliser la région rebelle suite à l'appel du Congrès général national, la plus haute autorité du pays, de recourir «à la force si nécessaire». Bien qu'élu, le CGN ne serait pas plus populaire que le CNT qui, faut-il le rappeler, faisait face à des manifestations de nostalgiques de l'ancien régime dès le 21 janvier 2012, le poussant à légiférer, en juin dernier, une loi criminalisant l'éloge de Kadhafi et toute «atteinte à la révolution du 17 février». Une loi jugée liberticide par des observateurs qui s'inquiètent de la détérioration des droits de l'homme depuis une année. Il faut dire que les choses avaient mal commencé pour la Libye post-Kadhafi. L'entrée du pays dans une nouvelle ère a été marquée par le lynchage et l'exécution sommaire de l'ex-guide, de son fils et d'une soixantaine de ses hommes tel que l'a affirmé Human Rights Watch mercredi. D'autres organisations déplorent également une situation humanitaire des plus critiques bien qu'on en soit loin des 70 ONG à avoir appelé à une intervention militaire. Amnesty International dénombre au moins 7000 prisonniers de guerre détenus dans des conditions inhumaines et dénonce le traitement inhumain des migrants subsahariens. Mercredi, l'ONG a appelé les autorités à «s'efforcer d'obtenir la justice, pas la vengeance» en l'exhortant de remettre des membres de l'ancien régime, toujours en attente de jugement, à la Cour pénale internationale, et ce, alors que le président de l'Assemblée nationale, Mohamed Al Megaryef, a reconnu dans son discours d'hier un retard dans la réforme de la justice et dans le dossier de la réconciliation nationale. Un retard également dans la formation d'une armée et d'une police. Les ex-combattants étaient invités à rejoindre les deux corps mais les milices, en détention d'armes lourdes, se livrent désormais à une bataille de leadership entre elles. Officiellement pro-gouvernementales, elles sont pourtant concurrentes de l'armée officielle et comptent bien garder ce pouvoir. Dans l'absence d'institutions de l'Etat, le contrôle des armes lourdes en libre circulation s'avère impossible. Cette situation a engendré, reconnaît Megaryef, la propagation du chaos, du désordre et de la corruption. Dans ce contexte d'insécurité, le retour des compagnies étrangères qui ont déserté le pays se fait attendre. La reconstruction du pays également. Peut-être que la reprise économique, qui a été jugée rapide par les experts, grâce à la reprise de la production et de l'exportation du pétrole, constituera le point de départ de la renaissance du pays.