Mais, dans le commerce informel des marchandises aussi, les citoyens «trouvent leur compte», s'il ne s'agissait que de cela, M. Ould Kablia ! En déclarant en conférence de presse qu' «il est facile d'éradiquer le marché noir de la devise en une seule journée, mais le citoyen y trouve son compte tant qu'il n'existe pas de bureaux de change», le ministre de l'Intérieur confirme aux Algériens ce qu'ils savent déjà : non seulement l'Etat n'a pas la volonté politique de venir à bout d'un business aux conséquences ravageuses pour l'économie nationale mais il l'entretient quelque part, pour... cause d'utilité publique ! On ne savait pas pour l'utilité publique mais on le savait pour les intérêts de beaucoup de monde. Comme c'est seulement la première fois qu'un ministre nous le dit, il faudra tout de même lui reconnaître le mérite de la clarté. C'est tellement clair que M. Dahou Ould Kablia a opportunément été jusqu'au bout de sa logique. Et plutôt deux fois qu'une. La première en nous disant sans sourciller : «C'est une activité illégale, certes mais je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'elle soit maintenue.» La deuxième en nous «rassurant» que les... trafiquants de devises sont «identifiés et peuvent prémunir contre la fausse monnaie» ! On pensait que le ministère de l'Intérieur ne pouvait tolérer aucune activité «illégale», mieux, qu'il était dans ses attributs et de son devoir d'en combattre toutes les formes dans lesquelles elle se manifeste. Voilà qu'il nous livre le fond de sa pensée. La rencontre avec la presse était organisée à l'issue de la réunion que M. Ould Kablia a tenue avec les cadres de l'administration locale mais, ce jour-là, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a concédé «de répondre à toutes les questions». Un bonheur n'arrivant jamais seul, il a, tout seul et sans que personne ne le lui demande, tenu à faire des précisions, dans la foulée d'une question sur les élections : «On dit que je suis une usine à produire des partis politiques. Non, je ne produis rien, j'applique la loi.» Il n'y avait pas grand monde pour lui demander pourquoi il n'appliquait pas la réglementation en matière de change et de transactions financières, mais on n'en avait pas besoin. Il avait déjà pris les devants en allant plus loin que ce que tout le monde savait déjà : en conférant la responsabilité de... lutter contre la fausse monnaie, du seul fait qu'ils soient identifiés, aux trafiquants de devises ! Et si le ministre de l'Intérieur pense sérieusement que les gens s'adressent aux cambistes du square Port Saïd et d'ailleurs parce qu'il n'y a pas de «bureaux de change», c'est qu'il doit être convaincu que les ménagères n'achètent pas leurs légumes chez les «camionettistes» parce qu'il y a des marchés pour ça, qu'elles ne vont pas à «Dubaï» parce qu'il y a des magasins, dans ce cas, la lutte contre le commerce informel et toute la «détermination» du gouvernement autour de cette opération serait tout bonnement inutile ! Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas «identifier» quelques bons grossistes de la drogue qui vendraient «de la bonne» pour prémunir les consommateurs contre les «mauvais» dealers qui leur fourguent du henné ? En plus, ce n'est pas le seul mérite de clarté à reconnaître au ministre de l'Intérieur, décidément en verve et bien inspiré. Abordant les élections locales qui auront lieu fin novembre, il dira, qu'elles ne suscitent pas d'intérêt chez les électeurs et au sein de la classe politique et qu'un taux de participation entre 40 et 45% serait tout à fait «correct». Mais là, on est tout de même dans une autre histoire . [email protected]