Prévue dans le projet de loi sur les hydrocarbures, l'exploitation du gaz de schiste continue de faire polémique. Une deuxième rencontre-débat à l'initiative de la société civile a été organisée avant-hier à Alger. Cette réunion avait comme but de dénoncer «l'opacité qui entoure la question» et de mettre l'action sur «l'urgence d'organiser un débat national» sur l'avenir énergétique du pays et ce, alors que la capitale abrite depuis hier, une conférence internationale portant sur les investissements énergétiques et les possibilités de développement des gaz de schiste en Algérie. Officiellement, le développement de l'énergie solaire sera à l'honneur lors de cette conférence énergétique de deux jours, mais les entreprises activant dans le domaine des énergies renouvelables n'auraient été conviées qu'à la dernière minute. Ce sera surtout l'occasion pour les présents, notamment les principaux groupes et compagnies énergétiques présents en Algérie, de se mette en avant en vue d'investir dans les gaz non conventionnels. Ainsi, tout mène à croire que l'Algérie se dirige droit vers l'exploitation du gaz de schiste, malgré les réticences des scientifiques et des environnementalistes. La conférence-débat sous le thème «Exploitation des gaz de schiste, enjeux et perspectives», organisée avant-hier à Alger, par le Collectif national pour les libertés citoyennes, était l'occasion pour les animateurs de la conférence de dénoncer l'opacité qui entoure le dossier. M. Farès Kader Affak, membre du collectif, a mis en garde contre l'exclusion des citoyens et des élus de la prise des décisions qui les concernent. Le géologue et expert en mines et carrières à l'université d'Oran, Moussa Kacem, a, lui aussi déploré la réaction politique algérienne face à une réalité scientifique qui prévoit la fin des réserves gazières en Algérie dans une cinquantaine d'années. Pour Yacine Teguia, chargé des dossiers politiques au Mouvement démocratique et social (MDS), il est temps de repenser la stratégie de Sonatrach et la politique énergétique du pays, afin de sortir de cette dépendance aux hydrocarbures. Tous se sont prononcés pour le développement des énergies renouvelables et l'investissement de la rente pétrolière qui repose aux banques du trésorier américain. Rejetant en bloc les arguments des officiels en faveur de l'adoption de la nouvelle loi, ils ont appelé à un débat national sur la question entre les différents acteurs concernés. Un point partagé par d'autres experts en énergies. Pour l'économiste Abderrahmane Mabtoul, la décision est d'une importance telle qu'elle ne devrait pas relever uniquement du ministère de l'Energie et des Mines, mais également du centre du Conseil national d'énergie, des professionnels et de la société civile. «Un seul ministère n'a pas le droit d'engager la sécurité de tout le pays», insiste-t-il en regrettant les choix économiques de la classe politiques qui vont vers la facilité. Le professeur Chems Eddine Chitour a également appelé à un débat urgent sur l'avenir énergétique du pays, pour arrêter l'hémorragie, penser aux générations futures, miser sur les énergies renouvelables de façon réelle, miser sur les économies d'énergie dont les gains sont plus importants que ceux des gaz de schiste et penser au transfert réel d'un savoir-faire. Les gaz de schiste, c'est la fuite en avant qui continue.