Un état inquiétant du secteur Dans une réunion informelle tenue récemment avec des experts nationaux, le ministre de l'énergie et des Mines, Youcef Yousfi, a fait état de ses inquiétudes face à la croissance importante de la demande domestique en produits énergétiques, rapportent des sources concordantes. À ce rythme et dans un scénario de laisser-faire, l'Algérie sera un importateur net de pétrole et de gaz plus tôt que prévu, c'est-à-dire dans dix à vingt ans. Solution face à cette explosion des besoins en énergie : les amendements à la loi sur les hydrocarbures, soumis à l'examen du Parlement durant cette session d'automne. Ce texte, qui constitue un retour à la loi 86-14 très “féconde", puisqu'elle a favorisé la reconstitution de nos réserves pétrolières et gazières à la fin de années 90 et durant la première moitié de la décennie 2000, comporte une série d'incitations aux compagnies pétrolières internationales en vue de développer le potentiel de gaz de schiste algérien considéré comme l'un des plus importants de la planète, les gisements situés dans les zones à risques : nord et ouest du pays, périmètres offshore, ainsi que les champs difficiles (gaz compact). Ce plaidoyer, pour un dispositif institutionnel qui semble tourner la page à une gestion catastrophique du secteur pendant une décennie, occulte la question de l'opacité qui entoure le processus de décision dans notre pays. On feint d'ignorer deux motivations qui ont présidé à ces changements : une chute inquiétante de la production de gaz du pays et un recul de l'investissement étranger dans l'exploration en Algérie. En ce sens, la polémique sur la nécessité ou non de développer le gaz de schiste — atout pour les uns, danger pour les autres — fait oublier l'essentiel : l'état inquiétant de la compagnie pétrolière nationale. Assimilée à la rente dont la logique mine l'économie nationale, Sonatrach fait face à de sérieuses difficultés en matière de relève. Amputée par le départ de centaines de cadres parmi les plus expérimentés (40 spécialistes du forage parmi les plus brillants ayant démissionné durant l'ère Khelil), elle semble tourner le dos à la nécessité de renforcer de façon urgente son management, ses ressources humaines dans son cœur de métier : l'exploration et l'exploitation des ressources pétrolières et gazières et d'acquérir les savoir-faire technologiques qui l'empêchent de s'imposer dans le club des compagnies pétrolières les plus performantes dans le monde. Sonatrach peine également à corriger son image d'entreprise enclavée, isolée de la société, au service non pas de la population, mais d'un groupe restreint de décideurs. Par ailleurs, l'absence de débat, de véritable concertation avec les spécialistes et les opérateurs du secteur soulève la question de la pertinence des choix stratégiques en matière de politique énergétique. Gel du Haut Conseil de l'énergie, absence d'un modèle de consommation énergétique rationnel, programme d'économies d'énergie peu ambitieux, freinent l'essor du secteur. Du reste, le plan ambitieux de développement des énergies renouvelables ferme curieusement les portes dans sa mise en œuvre à Sonatrach et aux opérateurs privés. Autant de limites de la stratégie énergétique actuelle qui risquent de conduire l'Algérie, si on ne rectifie pas le tir, à de nouveaux désordres économiques et sociaux.