Une fois n'est pas coutume. Le numéro un du mouvement islamiste armé Ançar Eddine, réputé «peu bavard» quand il s'agit de parler à la presse, rompt le silence et exprime des menaces en représailles à la préparation d'une intervention militaire étrangère au nord du Mali. Le chef de Ançar Eddine s'est exprimé, hier, à travers un organe de presse proche d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) en déclarant que «les feux de la guerre à laquelle les Africains veulent arriver toucheront tous les peuples de la région». Le chef de Ançar Eddine faisait allusion à la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui, rappelle-t-on, a élaboré un plan demandé par le Conseil de sécurité de l'ONU détaillant les préparatifs pour une intervention militaire au nord du Mali. Les éléments de Ançar Eddine ont, selon Iyad Ag Ghaly, «déployé tous les efforts possibles pour épargner les affres de la guerre à la région». Le numéro un du mouvement islamiste armé impute «la responsabilité entière au président malien par intérim, Dioncounda Traoré, par rapport à la situation» qui sera engendrée, selon lui, par la guerre, «après la décision africaine d'envoyer une force africaine au nord du Mali» ajoute-t-il. «Les solutions unilatérales sont inefficaces et nous en refusons la dictée», a lancé le numéro un d'Ançar Eddine. Le mouvement islamiste armé, qui avait, rappelle-t-on, exprimé son rejet de l'extrémisme et du terrorisme, semble «déçu» par le maintien de l'option de l'intervention militaire étrangère au nord du Mali occupé en partie par ses hommes. D'autres villes du nord du Mali sont occupées par Aqmi et le Mujao. Iyad Ad Ghaly évoque l'importance d'«une vision globale résultant de négociations élargies entre toutes les parties concernées par la solution» à la crise au nord du Mali. «Nous imputons l'entière responsabilité au président malien par intérim, Dioncounda Traoré, de l'aggravation de la situation à cause de l'intervention qui sera caractérisée par des souffrances qui ne toucheront pas uniquement le peuple malien mais également tous les peuples de la région», a déclaré Iyad Ag Ghaly qui accuse la France de «pousser les présidents africains à une intervention militaire au nord du Mali». Entendre par «tous les peuples de la région» les peuples des pays voisins du Mali, et ceux du Sahel, dont l'Algérie. Le numéro un d'Ançar Eddine ne précise pas si la menace sur les peuples de la région émanait du mouvement islamiste armé qu'il dirige ou d'Aqmi et du Mujao, deux organisations terroristes. Pour rappel, Ançar Eddine s'est vu demander de se «démarquer» de ces deux organisations terroristes (Aqmi et Mujao). Une «démarcation» pas du tout au programme d'Ançar Eddine, même si le numéro un du mouvement islamiste armé dira que «Ançar Eddine n'a rien à voir avec Aqmi et le Mujao», tout en réitérant le refus du mouvement de combattre les deux nébuleuses. Ançar Eddine éviterait-il de se mettre à dos Aqmi et le Mujao parce que pas encore prêt à ce combat, ou partage-t-il trop de points communs avec les deux nébuleuses ? «Il ne serait pas étonnant que des éléments arrivent de toutes parts pour faire face à l'agression» «Notre relation avec les groupes (comprendre Aqmi et Mujao) est de musulman à musulman et du point de vue organisationnel, nous sommes un groupe local indépendant, et en même temps, nous croyons que la logique hostile et extrême envers les musulmans et leurs causes justes devenue caractéristique principale de la politique internationale pousse tout le monde à adopter la méthode d'Al Qaïda et peut-être à la naissance d'autres groupes», a également déclaré Iyad Ag Ghaly, numéro un d'Ançar Eddine. Autrement dit, le recours à la force radicaliserait, selon Iyad Ag Ghaly, les positions des groupes islamistes armés non affiliés à Al Qaïda, et favoriserait, peut-être, selon lui, la naissance d'autres groupes. En prononçant les mots «groupe local indépendant», Iyad Ag Ghaly reconnaît implicitement qu'Aqmi et le Mujao ne sont pas des autochtones et encore moins des indépendants. Iyad Ag Ghaly estime, par ailleurs, qu'une intervention militaire étrangère au nord du Mali «provoquerait la perte d'une occasion historique de maintenir le Mali comme Etat unifié». Le numéro un d'Ançar Eddine fait également part de l'arrivée éventuelle, au nord du Mali, de «djihadistes» de toutes parts «pour combattre l'agression». L'allusion est clairement faite à l'intervention militaire étrangère. «Il ne serait pas étonnant que des éléments arrivent de toutes parts pour faire face à l'agression et défendre l'Islam», a-t-il dit. Iyad Ag Ghaly confirme, par ailleurs, l'information donnée par Le Temps d'Algérie selon laquelle une délégation d'Ançar Eddine, dirigée par lui, a rencontré, les 17 et 18 octobre dernier, une délégation du Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla). L'information donnée par notre journal a été, rappelle-t-on, démentie par le Mnal, mais nous a été confirmée par Hama Ag Sid' Ahmed, porte-parole du Conseil Transitoire de l'Etat de l'Azawad (CTEA). «Récemment, nous avons tenté de renouer le dialogue» entre les deux parties, selon le numéro un d'Ançar Eddine.