Sur une chaîne de télévision française, il y a une émission qui passe en prime-time avec une rubrique intitulée «Les flops de la semaine». Comme son nom l'indique, elle traite les ratés monumentaux dans le monde. Les flops sont parfois drôles, parfois curieux et parfois inadmissibles. Il arrive même qu'ils soient dramatiques. Et s'il fallait chercher une consolation pour les Algériens, si piètre soit-elle, elle doit être là, s'agissant du flop que l'émission a été chercher de leur pays, pour le «bonheur» de ses téléspectateurs. Le flop aurait pourtant pu être dramatique, il l'a même été dans une large mesure, mais ça fait longtemps qu'on a appris à jubiler pour le moindre mal, faute de vraies raisons de bonheur. Dans les «flops de la semaine» donc, le match – enfin, appelons-le ainsi – amical que l'Algérie a joué contre la Bosnie dans le cadre de sa préparation pour la phase finale de la Coupe d'Afrique des nations. Il aurait pu être dramatique parce que dans de telles conditions, les joueurs étaient guettés par les pires blessures et le public, très nombreux, aurait pu exprimer sa colère autrement que par la rage au cœur devant autant de manque de considération. Il a été dramatique dans une large mesure parce que les rares extraterrestres d'Algérie et du monde qui ne savent pas encore que l'Algérie fête le cinquantenaire de l'Indépendance sans un stade de football. Encore heureux que les gens de l'émission, qui ne prenaient manifestement pas le sujet très au sérieux, ne semblaient pas savoir que ce qu'ils ont vu se déroulait seulement après quelques heures de pluie et que les choses se passaient dans le plus grand stade d'Algérie ! Ils ne savaient pas ou ils s'en moquaient un peu, mais les Algériens, eux, savent très bien. Il suffisait de scruter le regard halluciné du sélectionneur Halilhodzic pour comprendre l'ampleur du désastre. On lui avait «promis» une bonne pelouse, à lui qui voulait jouer au 5-Juillet parce qu'il voulait mettre un peu d'ambition, de grandeur et de folie dans une sélection qui en a souvent manqué. Il voulait de la joie pour le public qui en manque toujours, il voulait la fête. Et la fête a tourné à la farce du plus mauvais goût. Il fallait les avoir rencontrés la veille ou la matinée du match errer dans les rues d'Alger, le cœur sur la main et la gorge déjà sèche pour imaginer leur détresse en découvrant l'état de cette pelouse sur lequel même les services météo leur ont effrontément menti ! Ils sont venus des quatre coins du pays, d'Adrar, de Guelma et d'ailleurs. Pour un moment de bonheur à arracher des griffes de la grisaille chronique. Contre leur temps, contre leur argent, contre la faim et l'asphalte, ils ont eu l'humiliation. Une de plus sur un rectangle devenu géométriquement informe. Sur un marécage très vite déserté par la verdure en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il fallait être dans les vestiaires, écouter le sélectionneur bosniaque user de l'unique argument susceptible de convaincre ses joueurs de reprendre la «partie» : le sélectionneur de l'équipe algérienne est un compatriote ! Il fallait voir le visage de Wahid répondant à un journaliste : «Ne me parlez pas de la pelouse, je risque de dire des choses !» On ne saura sans doute pas ce que le sélectionneur aurait pu dire, mais on peut parler à sa place, des millions d'Algériens peuvent parler à sa place. Cette pelouse a coûté douze milliards, y a-t-il quelqu'un pour en rendre compte ? Personne n'y croit, parce que le «flop», tout le monde le savait, avant l'émission de la chaîne française, avant Halilhodzic, bien avant ce match, enfin, appelons-le ainsi. [email protected]