«Le match s'est arrêté à une demi-heure de la fin, alors que l'USM El Harrach menait au score». Telle était l'introduction du journaliste qui anime l' «émission» foot qui fait le bilan de la journée du championnat... professionnel. Il parlait bien sûr de la rencontre qui s'est jouée – ou devait se jouer – samedi à Béchar entre le club local et celui d'El Harrach. Tout le monde attendait qu'on nous dise ce qui réellement passé en rentrant tout de suite dans le vif du sujet, mais les journalistes sportifs de l'ENTV ont tenu d'abord à nous «rassurer», en minimisant les faits, pourtant graves : «tout a bien commencé», nous disent-ils. La tentation est grande chez tout le monde de répliquer qu'à quelques rares exceptions, tous les matches commencent bien, surtout avant qu'ils ne commencent ! Mais tout le monde avait plutôt la tête à attendre la suite. Les conditions étaient loin de prêter au jeu du suspens, mais l'ENTV a tenu à nous... tenir en haleine ! C'est alors que les images ont commencé à défiler. Et les commentaires aussi. Une bande de supporters de l'équipe de la banlieue d'Alger, banderoles et autres accessoires déployés s'égosillaient dans une touchante bonne humeur. A louer les leurs et à porter aux nues les bécharis qui les auraient accueillis avec des fleurs, offert l'eau et le pain, voire proposé le gîte. Là aussi, on aurait pu répliquer : tout le monde peut offrir des fleurs avant que ne commence... la bataille. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui soit capable d'offrir le sandwich et le lit après la défaite ? Ils étaient pathétiques, les gamins d'El Harrach, surtout quand on sait qu'eux aussi ne sont pas des enfants de chœur. Mais ils ont quand même scandé «Harrachis, Bécharis, khawa, khawa !» Tout a bien commencé, donc, il y avait même un dirigeant de la JS Saoura qui, au micro de l'ENTV, a promis un beau spectacle, parce que «les deux clubs ont en commun de pratiquer du beau football». Pour le foot, on ne le sait pas, puisque la télé n'a montré que les buts. Pour le «spectacle» il a surtout été dramatique, même si les images de l'ENTV ont été plutôt fuyantes. Il fallait voir le correspondant local, interrogé à partir du plateau de l'émission. Le visage blême, le verbe tremblant et le décor proche de celui d'un reporter de guerre retiré dans un coin pas très sûr pour effectuer son «envoi» et surtout le ton de quelqu'un de pas vraiment irréprochable, professionnellement. Il faisait de la peine. Censé «couvrir» le match, il ne sait pas ce qui s'est passé dans les tribunes, ni pourquoi les supporters harrachis sont entrés sur la pelouse... quatre heures après ! Et il le dit, avec le ton de quelqu'un qui tenait un argument en béton. On veut bien le lui dire, à partir d'Alger ou de Bordj Badji Mokhtar, il n'entendra pas. On va le lui dire quand même : les supporters de l'USM El Harrach ont «envahi» la pelouse, se sont même réfugiés dans les vestiaires, pour échapper au déluge de pierres et autres... fleurs qui pleuvait sur leurs têtes. Il s'est même dit surpris par le nombre de policiers qui se trouvaient dans le couloir, l'empêchant d'accéder aux vestiaires alors qu'il partait aux nouvelles ! Sur le plateau, non plus, on ne sait pas ce qui s'est passé. On «déplore» pourtant «ce genre d'incidents, intolérables sur nos stades». On aurait pu aussi leur dire ce qui s'est passé. Mais ils... le savent ! Ils ont même tenu à nous rassurer sur la santé des blessés harrachis, qui auraient tous... quitté l'hôpital ! [email protected]