La Télévision algérienne a trouvé «l'astuce» pour parler chaque jour de tous les partis politiques dont les responsables sont en «sortie de campagne», sans parler d'aucun d'eux. On a appelé ça «synthèse» et ça passe à tous les journaux télévisés du soir. Les images défilent à une vitesse insaisissable et le commentaire incasable. Si on connaît les têtes des chefs de parti, on peut en attraper quelques-uns au vol, mais on ne saura jamais qui a été où et qui a dit quoi. Pour ne pas avoir à se farcir l'exercice, au demeurant bien pénible, de faire défiler des dizaines de «meetings populaires» ou de «sorties de proximité», l'ENTV ne croyait certainement pas être si bien inspirée : puisqu'on a du mal à différencier les partis politiques par le programme et le discours, autant en parler «en vrac» dans une couverture au rabais. Personne ne s'en rendra compte et surtout personne n'y trouvera à redire ! Dans cet espace, les partis n'ont pas de noms, ce sont des... partis. A cet instant, il n'y a pas de lieux, il y a un pays que tout le monde se partage, ce sont des élections locales mais ce n'est pas important. Ici, il n'y a pas de sujet, tout le monde parle de la même chose. Là, il n'y a ni discours ni idées, on pense et dit ensemble les mêmes rengaines. On se croirait dans une... téléréalité. Mieux –ou pire–, dans la vraie vie ! On ne fait même pas comme dans le tirage du loto où on mélange tout pour sortir les numéros gagnants. Ici, on mélange tout et on sert tiède. De toute façon, il n'y a pas bousculade au buffet. Les plats n'ont pas changé et la fadeur, une marque de fabrique. Trois minutes chrono en main pour tout dire d'une journée de campagne en voix off et les yeux rivés sur le téléprompteur. Pour que chacun puisse s'admirer en solo et pour que tout le monde sache qui est qui et qui dit quoi, il faut attendre la «page spéciale» casée derrière le générique terminal. Au moment crucial où les téléspectateurs les plus lucides ont déjà la main sur la zapette pour «passer aux choses sérieuses». Le foot ou la série policière en prime-time. Alors on les fait défiler, dans l'ordre, cette fois-ci. Personne ne leur demandera quel ordre, il est arbitraire, capricieux mais (ou) anachronique mais personne ne s'en rendra compte. Après le show collectif, l'épreuve individuelle. Encore plus pénible. Tout à l'heure, on leur faisait dire la même chose, maintenant ils disent la même chose tous seuls. Tout à l'heure, on a fait n'importe comment une synthèse de n'importe quoi, maintenant on entendra du n'importe quoi sur tous les pupitres ou sous les arbres. Des «bribes» de discours. Il paraît que ce qui passe dans le «carnet de campagne» de l'ENTV est ce qu'ils ont dit de mieux. Des «morceaux de choix» censés galvaniser les foules, émouvoir de pertinence et de hauteur intellectuelle. On imagine alors le reste des oracles. Il faut les voir s'époumoner. «Il ne faut pas faire confiance aux autres», disent-ils... tous. On le savait. «Une fois élus, vous ne les verrez plus», disent certains autres. C'est maintenant qu'il n'y pas grand-monde à souhaiter vous voir ! «Il faut choisir les plus compétents». Il n'y en a pas. «Il faut aller voter en masse le 29 novembre.» Rien n'est moins sûr. «On va régulariser les commerces informels.» On a déjà entendu ça beaucoup plus haut que l'APC. «On soutient le président.» Vous voulez qu'il vous soutienne, oui. La caméra balaie les salles d'un même mouvement douteux. On évite les vides quand il y en a beaucoup et on évite de montrer tout quand c'est trop plein. On nivelle par le haut et par le bas. Dans tous les sens. Que la campagne est belle !