«Je reconnais ici les souffrances que le système colonial français a infligées au peuple algérien», a déclaré le président français François Hollande lors du discours prononcé, jeudi, devant le Parlement réuni en session extraordinaire au Palais des nations. «Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste, brutal et destructeur. Rien ne peut justifier les agressions commises contre la population algérienne, la négation de son identité et de son aspiration à vivre libre», a indiqué M. Hollande. Il citera les massacres du 8 mai 1945 où l'atrocité de l'armée française a occasionné la mort de 54 000 Algériens sortis dans la rue pour fêter la victoire contre le nazisme et demander à la France de concrétiser sa promesse d'accorder l'indépendance à l'Algérie. «Parmi ces souffrances, les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata qui demeurent profondément ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens», a-t-il souligné. François Hollande va jusqu'à reconnaître que la France coloniale n'a pas respecté les valeurs de la République. «A Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où dans le monde triomphaient la liberté et la justice, la France manquait à ses valeurs universelles, celles qu'elle a contribué à faire éclore, celles de la République», dira le président Hollande. Le chef d'Etat français s'est en outre interrogé : «Sommes-nous capables d'écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire ? (...) Je le crois, le souhaite et le veut. Nous en avons besoin» a-t-il estimé. Pour le président français, cette étape peut être franchie en se basant sur «les liens humains, linguistiques, économiques qui unissent nos deux peuples». Il conditionne le développement de cette amitié par la vérité : «Nous la devons à tous ceux pour qui notre histoire commune reste douloureuse, blessée, avec des cicatrices qui peinent 50 ans après à se refermer», a-t-il dit, ajoutant que la vérité doit «être dite de la même façon sur les circonstances dans lesquelles l'Algérie s'est délivrée de ce système. Elle doit être dite sur la guerre d'Algérie, cette guerre que la France a mis tellement de temps à appeler par son nom».» Accès aux archives «Dans cette perspective, il est évidemment nécessaire que les historiens aient accès aux archives. Une coopération dans ce domaine a déjà été engagée. Je souhaite qu'elle s'approfondisse et que les verrous sautent, que de part et d'autre, les ressentiments s'effacent, que la paix des mémoires repose sur la connaissance du passé et non sur l'occultation de la mémoire», a souligné encore le président Hollande. L'histoire commune de l'Algérie et de la France «n'est pas faite uniquement de drames, d'oppositions et d'humiliation. C'est une histoire humaine… C'est aussi celle des grandes consciences françaises qui ont su s'élever contre l'injustice de l'ordre colonial», a-t-il également rappelé. François Hollande reprend le message et la phrase prononcée par le président algérien Abdelaziz Bouteflika le 8 mai 2011 à Sétif, où il a appelé à «une lecture objective de l'Histoire, loin des guerres de mémoire et des enjeux conjoncturels afin d'aider les deux partis à transcender les séquelles du passé douloureux pour aller vers un avenir où règnent confiance, compréhension, respect mutuel et partenariat bénéfique». «Cette vision, je la fais la mienne aujourd'hui», a soutenu l'hôte de l'Algérie devant les parlementaires. M. Hollande s'est par ailleurs engagé à protéger les immigrés algériens établis en France contre toute forme de discrimination. «Ces citoyens ne doivent jamais douter de leur place dans la République. Face à la discrimination, à la xénophobie, je vous assure de ma détermination et de mon intransigeance. Je n'accepterai pas davantage que la religion musulmane puisse être stigmatisée», a-t-il dit. Réduire les délais de traitement des visas Au plan économique, François Hollande a exprimé le souhait de «développer des projets qui bénéficient directement aux populations des deux rives de la Méditerranée». «Je vous propose d'établir entre l'Algérie et la France un véritable partenariat stratégique, d'égal à égal». Pour lui, les deux pays «doivent franchir une nouvelle étape pour multiplier les échanges, les investissements et les réalisations communes». Après avoir donné un aperçu sur les échanges économiques entre les deux pays, François Hollande dira : «Nous sommes prêts à aller plus loin en mobilisant nos entreprises dans les domaines de l'énergie, de la santé, de l'environnement de la construction et des transports où l'Algérie exprime de nouveaux besoins». Le développement de la coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique va permettre à l'Algérie la création de quatre centres permettant aux jeunes étudiants d'acquérir des connaissances et des compétences. A propos de la circulation des personnes, Hollande dira que la «politique de la France est indispensable pour conserver une maîtrise du flux migratoire, mais elle ne doit pas se transformer en un parcours d'obstacles ou pire encore, une humiliation». Il a été favorable à la poursuite et à l'amplification «des allers-retours» et a rappelé «l'annulation du projet portant sur la hausse de la taxe d'entrée sur le territoire français au moment de la demande de visa». Il s'est engagé à prendre «des mesures pour améliorer l'accueil des demandeurs de visa» et à la réduction des délais de délivrance des documents, appelant l'Algérie à «ouvrir plus largement ses portes aux Français». Au plan international, François Hollande estime que la leçon qu'il faut tirer du printemps arabe est «que les peuples entendent prendre leur destin en main, parfois dans la confusion et la tumulte, et que la France entend les accompagner dans la voie de l'ouverture, de la démocratie et de la liberté». Il a appelé à favoriser la reprise des négociations sur la question palestinienne. Il a estimé que la situation du Sahel est «importante pour l'Afrique de l'Ouest et pour la France aussi (...) Nous devons l'affronter ensemble et avec la volonté de laisser les Africains décider de leurs opérations et du soutien de la paix». Pour lui, «la crise au Mali appelle des réponses politiques, humanitaires et sécuritaires», «mais l'Algérie est essentielle pour avancer».