Le Conseil national de l'enseignement supérieur, par la voix de son SG, Abdelmalik Rahmani, préconise la tenue d'assises nationales, qui devraient répondre aux problématiques soulevées dans le secteur car, selon lui, le système universitaire algérien arrive au bout d'un cycle. «L'université algérienne est arrivée à une intersection. Elle doit prendre le bon virage. Actuellement, nous sommes au bout d'un système qui a préconisé la démocratisation de l'enseignement, enfantant la massification, qui a elle-même engendrée des problèmes», a-t-il affirmé. Selon lui, les problématiques sont nombreuses et sollicitent l'expertise de spécialistes du secteur, loin de toute démagogie. C'est un diagnostic réel qui doit être établi sans se voiler la face et en présence de tous les représentants du monde universitaire, a-t-il tenu à nous dire. «Nous devons nous interroger de manière pragmatique. Nous devons nous questionner sur le choix politique et stratégique prescrit par les plus hautes instances. Ce système qui date de 1962 permet-il à nos universités d'être performantes ? Nos universités répondent-elles aux besoins de la société, du marché du travail dans un monde globalisé ? Personnellement, actuellement, je ne le pense pas», a-t-il estimé, déplorant que l'université soit devenue uniquement un centre de formation d'étudiants et non pas de foisonnement intellectuel. En somme, la quantité aurait primé sur la qualité, ce qui, in fine, engendre des problèmes à l'échelle nationale car «l'enseignement supérieur est un secteur stratégique ; sans une refonte du système, on ne pourra pas envisager de relance économique», s'est-il alarmé, ajoutant que le pays se devait d'évaluer son système éducatif afin de tenir son rang sur le continent africain. «L'Algérie et l'Afrique du Sud sont les deux pays moteur du continent. Pour justifier cette position, nous devons avoir une économie très performante. Il faut des qualifications et des formations à la hauteur des enjeux des cinquante prochaines années. J'en veux aux partis politiques, aux députés de l'APN, aux membres de la société civile, de ne pas susciter de débats sur ces questions primordiales», nous a-t-il dit. En outre, selon lui, «c'est la politique éducative dans sa globalité qui doit faire l'objet d'une refonte». «Pour agir sur les dysfonctionnements du système universitaire, nous devons agir en amont sur le secteur de l'éducation nationale. C'est nous qui recevons le produit de l'échec du système de l'éducation nationale. Cette année, nous avons 250 000 bacheliers. Comment les intégrer afin qu'ils aient le meilleur avenir possible et qu'ils puissent contribuer à l'effort national, alors que nos universités sont saturées, que nous avons un déficit en enseignants et que la formation professionnelle est stigmatisée ? Nous devons faire un travail en profondeur en ce qui concerne l'orientation des élèves. Il faut arrêter de penser que la formation professionnelle est un échec. Les élèves le vivent ainsi car la société le voit ainsi. Il faut créer un bac professionnel qui, à l'instar d'autres pays, intègre rapidement les jeunes dans le monde économique», a-t-il préconisé. «Des solutions de bricolage sans contenu» Il nous a exposé les nombreux problèmes auxquels fait face l'université, tels que la massification qui a engendré la venue d'1,4 million d'étudiants sur le territoire et 2 millions à l'horizon 2015. Si sur le plan financier, l'université a les moyens d'absorber cette masse, sur le plan qualitatif, il en est tout autrement. «L'université vit au rythme des problèmes et des solutions de bricolage sans contenu. L'on a tendance à n'évoquer que les faits divers dans les colonnes de la presse au détriment de l'analyse. Nous devons avoir une approche pragmatique, traiter les causes et non pas les symptômes qui en découlent», a-t-il affirmé. Aussi, il nous a indiqué que le congrès national du CNES devrait se tenir au cours du mois de janvier et il serait l'occasion de débattre de l'absence de stratégie qui prime dans le secteur, soulever les problématiques liées à la massification, au déficit en termes de formation, au recrutement, au salaire des enseignants qui devrait être adapté à une échelle des diplômes, le devenir du LMD, de la recherche, ajoutant qu'en tant qu'acteur syndical, il souhaite sensibiliser les tenants du pouvoir sur la nécessité d'organiser un mécanisme de débat permanent car, souligne-t-il, «l'université est une affaire sociétale. Elle doit faire l'objet d'une réflexion permanente, d'une expertise, de bilan d'étape très régulièrement. Nous ne pouvons plus gérer notre université avec des textes obsolètes. Nous allons être une force de proposition, nous espérons qu'en face, les réponses déployées seront à la hauteur des défis qui nous attendent», a-t-il conclu.