Le professionnalisme dans le football algérien n'est, pour l'instant, qu'une utopie puisqu'en dehors d'un seul d'entre eux, l'USM Alger, tous les autres clubs qui se sont jetés dans l'aventure surnagent et essaient d'échapper à l'asphyxie. Quelques années avant le lancement de l'opération, le président de la Fédération algérienne de football, Mohamed Raouraoua, nous disait qu'il se suffirait de quelques clubs seulement, à peine 8 à 10, pour enclencher la manœuvre car il savait que nos clubs souffraient de nombreuses carences dont l'absence d'un vrai patrimoine et de dirigeants compétents n'était pas des moindres. Pourtant lorsqu'il a fallu y aller, il a été obligé d'accepter que 32 clubs prennent le statut de professionnel à un moment où il était évident que ce sport ne générait pas de bénéfices et n'était point rentable. Trois ans après le lancement de l'opération, on en est à scruter celui ou celle qui voudrait bien venir investir dans le secteur. Heureusement que l'Etat était là Quand tout va mal, on se décide alors à faire appel au seul qui puisse sauver la mise : l'Etat. C'est le président de la république, lui-même, M. Abdelaziz Bouteflika, qui a pris les choses en main en décidant de venir en aide au football professionnel. C'est à son initiative qu'un Conseil des ministres, en décembre 2009, s'est penché sur le sujet avec comme résultante la conviction qu'il fallait soutenir les clubs dans leur quête de devenir professionnels. A la suite de quoi a été promulgué le décret exécutif 11-23 du 26 janvier 2011 fixant les modalités de fonctionnement d'un fonds spécial, dit fonds de soutien public aux clubs professionnels de football. Ce texte répertorie les aides que l'Etat allait consentir pour permettre aux clubs d'entrer dans le moule du professionnalisme. C'est ainsi que de l'argent a été dégagé pour que chacun de ces clubs puissent bénéficier de la prise en charge totale des frais d'hébergement des joueurs des jeunes catégories à l'occasion des déplacements au titre des compétitions locales, de la rémunération d'un entraîneur pour chaque équipe de jeunes, de l'acquisition d'autobus, de la prise en charge de 50 % des frais de déplacement des équipes par avion à l'intérieur du pays à l'occasion des compétitions, à la prise en charge de 50 % des frais de déplacement du club professionnel pour les matchs disputés à l'étranger au titre des compétitions découlant de qualifications africaines ou arabes. Il est également prévu de financer les études pour la réalisation d'un centre d'entraînement et à 80% la construction de ce centre sur un terrain d'un minimum de 2 hectares que l'Etat s'est engagé à offrir à chaque club. Mais ces clubs ont trouvé que cela ne suffisait pas. Ils ont voulu plus et se sont attelés à frapper à toutes les portes jusqu'à ce que leurs doléances soient satisfaites. En effet, il n'était pas prévu que l'Etat aide ces clubs sous forme de subventions puisqu'il s'agit, dans la forme, de sociétés sportives commerciales. Ce même Etat a, tout de même, fini pas céder et accepter de dégager une enveloppe annuelle de 25 millions de dinars, à distribuer en deux tranches, à chaque club comme fond de roulement pour chacun d'eux. La troisième saison du professionnalisme a été entamée depuis quelques semaines. On peut révéler que l'Etat a déjà déboursé la somme de 142 milliards de centimes pour venir en aide aux clubs professionnels depuis le démarrage de l'opération lors de la saison 2010-2011. Cet argent ne concerne pas les centres d'entraînement puisqu'aucun d'eux n'est prêt à être construit. Ce qui veut dire que le fonds de soutien au professionnalisme est loin d'avoir été mis entièrement à contribution. Ces clubs sont devenus gloutons par la faute de dirigeants sans aucune imagination sauf celle consistant à demander des sous sans rendre beaucoup de comptes. On défie n'importe lequel de ces dirigeants, dont l'écrasante majorité était à la tête de ces clubs durant ces dix dernières années, de nous dire qu'ils ont toujours accepté d'être soumis à l'indispensable débat sur l'opportunité des dépenses en assemblée générale. Les mises en garde de Bouteflika En campagne électorale à Sétif en mars 2009, le président de la république avait eu des mots durs envers les gens du football. «Nous avons un problème d'encadrement avec l'équipe nationale. Dans le championnat, nous avons affaire à des «beznassia» (affairistes)» avait-il déclaré avant d'ajouter : « Yelaâbouna baâchatna !» (ils cherchent à nous priver de notre dîner). «Qu'ils sachent que nous ne permettrons plus jamais que l'on prenne en otage l'espoir de notre jeunesse. Celui qui veut gagner de l'argent n'a qu'à quitter le sport.» En cela il rejoignait une autre déclaration qu'il avait faite en 2006 : «Il n'y a pas un seul secteur où nous n'avons que de bons gestionnaires, à commencer par le domaine de la jeunesse et des sports où il n'y a pas une seule équipe de football bien gérée.» On a lancé le professionnalisme avec des dirigeants à l'esprit rentier et amateur et on continue de les soutenir comme si sans eux le football allait s'arrêter. Dans 90% de ces clubs professionnels les dirigeants sont ceux qui activaient avant 2010 et on ne peut pas dire qu'ils ont ramené beaucoup de leurs sous dans la cagnotte. Ils se sont, au contraire, servis de l'argent du club amateur pour avoir, en leur nom, des actions dans le capital du club professionnel. Tout cela s'est réalisé au vu et au su de tout le monde notamment ceux qui étaient censés encadrer le système pour que les textes algériens soient respectés. On comprend, dès lors, pourquoi le nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports, le Pr Mohamed Tahmi, a demandé une halte dans le processus de mise en place du professionnalisme. On ne peut plus continuer de la sorte car il y a de l'anarchie dans l'air et en même temps de la gabegie. Une halte ne veut pas dire un arrêt mais une réflexion sur ce qui a été fait et comment cela a été fait. La FAF vient d'admettre qu'elle a commis une erreur en permettant à 32 clubs de devenir professionnels. A partir de la saison prochaine seuls ceux de la Ligue 1 le seront. On peut même dire que 16 clubs pros c'est encore trop car la plupart ne répondent à aucun des deux cahiers des charges du professionnalisme, celui du MJS d'ordre financier et celui de la FAF d'ordre technique. Il serait temps de remettre en cause le système sans quoi c'est dans un véritable gouffre qu'on va mener ce sport si prisé.