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«Nous souhaiterions que les signalements d'enlèvement d'enfants deviennent automatiques» Abderrahmane Arar, président du réseau algérien de promotion et de protection des droits de l'enfant, au Temps d'Algérie :
Le réseau algérien de promotion et de protection des droits de l'enfant (Nada) a mis en place un numéro vert, le 30 33, afin de signaler le moindre soupçon ou tentative d'enlèvement. Dans cet entretien, Abderrahmane Arar, président de l'association Nada, répond à nos interrogations sur le fonctionnement de ce numéro, l'implication des acteurs de la société civile et des professionnels du secteur dans la protection des droits de l'enfant, ainsi que sur les actions de son association en direction de la jeunesse. Le Temps d'Algérie : Quand et pourquoi avez-vous pris la décision d'instaurer ce numéro vert ? Abderrahmane Arar : Je dois au préalable vous contextualiser la genèse de ce numéro. Le numéro vert a débuté par une expérience pilote en 2008, au niveau d'Alger, puis a été élargi aux 48 wilayas. Intitulé «Je t'écoute», ce procédé ciblait la maltraitance et la promotion des droits de l'enfant. Nous avons estimé que ce procédé fonctionnait bien et qu'il rendait visible la lutte contre les maltraitances faites aux enfants. Les derniers chiffres que nous détenons sur les appels concernant ces cas datent de décembre 2011. Nous avions reçu 13 000 appels qui avaient trait généralement à des cas de maltraitance, de violence sexuelle, de conflits conjugaux et d'abandon d'enfants. Nous avons accompagné plus de 1000 familles et brisé de nombreux tabous ancrés dans notre société, surtout ceux liés à la violence sexuelle au sein des familles. Le chemin à parcourir reste encore long, mais nous avons bon espoir. C'est au vu des derniers événements dramatiques dont ont fait l'objet des enfants, (assassinat des deux fillettes), que nous avons renforcé notre staff avec une équipe pluridisciplinaire composée notamment de juristes, de sociologues et de psychologues afin d'agrandir notre palette de compétences et élargir le numéro vert 30 33 aux signalements d'enlèvement d'enfants. Je tiens à préciser que cette équipe aura uniquement en charge ces signalements. Pour le moment, nous n'avons reçu aucun appel concernant un enlèvement. Auparavant, nous avions reçu des appels concernant ces cas, mais ils étaient peu nombreux par manque de visibilité de notre action. C'est pour cela que nous allons refonder notre stratégie avec une nouvelle équipe et différents acteurs étatiques. Nous nous préparons à lancer, la semaine prochaine, cette nouvelle approche en coordination avec les ministères de la Solidarité et de la Jeunesse et des Sports. Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec les services de sécurité ? En cas d'appel suspect, notre association joint directement ces services, sans passer par l'administration et ce, afin de confirmer si nous avons bien à faire à un cas d'enlèvement. Nous collaborons étroitement avec les services des brigades des mineurs sur tout le territoire du pays, mais notre collaboration s'opère uniquement par téléphone. Vous avez appelé à la généralisation des signalements dans le cadre de la loi de protection des enfants, car pour le moment, seuls les cas graves suscitent le soutien de la justice. Dans les écoles, les structures sociales, les signalements d'enfants sujets à des maltraitances sont-ils obligatoires ? Actuellement, la loi est claire. Le médecin, l'éducateur ou toute autre personne susceptible d'être en contact avec les enfants et qui découvrent des signes de maltraitance sous quelque forme que ce soit a une obligation civile de le signaler. Si ce sont des signes de violence sexuelle qui sont décelés, elle est dans l'obligation de le signaler aux services judiciaires, car cela relève du pénal. On nous a signalé des cas mais j'estime que ce procédé n'est pas encore banalisé dans notre société. Nous souhaiterions que les signalements deviennent automatiques et qu'ils fassent l'objet d'une décision pénale quel que soit le type de maltraitance que subit l'enfant. Nous avons eu de nombreux signalements dans les écoles et avons tenté de trouver des solutions pour protéger les enfants en danger avec l'aide du ministère de l'Education. Cependant, bien souvent, nous avons été confrontés à un contexte social qui ne nous a laissé qu'une marge de manœuvre restreinte. Nous avons souvent dû faire face à des cas de conflits conjugaux où les enfants sont otages et victimes. Si le conflit doit passer par la justice, nous n'avons pas la possibilité de protéger l'enfant en dehors de sa cellule familiale, car les instruments nous manquent. Il y a peu de centres d'accueil et les familles d'accueil sont peu exploitées, alors qu'elles sont l'un des meilleurs refuges pour un enfant en danger. Nous collaborons étroitement avec de nombreux professionnels des secteurs de la justice, la santé, l'éducation, les services de sécurité et ce, afin de rendre efficace notre action. Cependant, nous devons veiller à ce que la protection des enfants s'effectue dans les normes internationales. Nous sollicitons également l'implication de la société civile, qu'elle ne reste pas en marge de cette dynamique de protection de l'enfance. Ne pensez-vous pas que nous devrions recourir au mécanisme du type «alerte enlèvement», qui a porté ses fruits à l'étranger ? Oui. Il faudrait que notre pays possède lui aussi ce type d'instrument qui a sauvé de nombreuses vies d'enfants à l'étranger. Cependant, le contexte social et culturel qui prévaut chez nous ne nous permet pas d'installer un dispositif de cette envergure. Il faut au préalable préparer les mentalités. Aussi, tout cela dépend de la volonté des politiciens. Il faut souligner que jusqu'à présent, le seul mécanisme qui opère en cas d'enlèvement est centralisé entre les différents intervenants sécuritaires. Utiliser les médias lourds, cela signifie englober la population dans un processus de recherche. Une telle alternative devrait faire l'objet d'un débat. Vous avez sollicité l'aide des pouvoirs publics afin de renforcer votre réseau et «mutualiser» votre action. Votre appel a-t-il été entendu ? Actuellement, 130 associations collaborent étroitement avec Nada qui possède un ancrage dans 35 wilayas. Nous espérons l'élargir à l'ensemble des wilayas. C'est essentiellement en potentiel humain que nous souhaitons renforcer notre réseau. Nous avons estimé que pour constituer une solide équipe pluridisciplinaire et consolider notre action dans les territoires, nous devons recruter 150 personnes. Et pour ce faire, nous sommes en discussion avec les ministères de la Jeunesse et de la Solidarité nationale. Nous avons aussi été mandatés pour prendre en charge le numéro vert et accompagner les signalements, mais ce mandat n'est pas encore officiel. Nous souhaitons qu'il le devienne. Qu'en est-il exactement du financement de votre association ? Nous avons bénéficié d'un seul financement, celui du ministère de la Jeunesse. Cependant, il faut souligner que nous avons des services indirects gratuits. A titre d'exemple, le numéro vert nous a été octroyé à titre gracieux par le ministère des Postes et des Télécommunications. Aussi, nous recevons des dons d'ONG internationales, tel le Secours islamique français, ainsi que de particuliers. Cependant, nous espérons être renforcés par l'aide de généreux donateurs ainsi que par le ministère de la Solidarité. C'est à ce titre d'ailleurs que dès la semaine prochaine, un comité sera en charge de dialoguer du partenariat et des nouveaux programmes que nous comptons déployer conjointement. Avec cette collaboration, nous espérons bénéficier d'une enveloppe qui nous permettra de développer notre action plus efficacement et d'être plus visibles sur le terrain. Vous avez appelé à la création d'un mécanisme de prévention contre la délinquance des jeunes via des structures de loisirs sportives et culturelles qui existent déjà. Trouvez-vous qu'elles ne sont pas efficaces ? Les maisons de jeunes existent effectivement mais elles ne répondent pas du tout aux attentes de cette frange de la population. Elles ne sont pas animées et sont défaillantes en termes de programme. Nous proposons de déployer des actions basées sur la citoyenneté et la prévention, car nous estimons que les enlèvements sont aussi liés à la délinquance dans les quartiers. Pour nous, il s'agit de renforcer la formation des éducateurs afin qu'ils puissent sensibiliser les jeunes à participer à nos programmes et réduire les poches de délinquance dans ces territoires. Notre association sera en charge des programmes qui vont se déployer dans 10 wilayas pour un début. Aussi, je tiens à indiquer que de nombreuses actions s'élaborent en collaboration avec des ONG internationales. A titre d'exemple, à Sidi Mohammed, nous avons développé avec l'association française Plateau, un programme intitulé «Droits de l'enfant, la citoyenneté facteur d'intégration», et ce, afin que les jeunes prennent conscience de ce que signifie la citoyenneté et la nécessité d'être un acteur actif de la cité. Nous avons eu des résultats très intéressants.C'est pour cela que nous multiplions les collaborations avec les ONG afin d'acquérir le savoir-faire qui nous fait défaut. Nous ne sommes pas intéressés par l'argent, mais par l'expertise étrangère, la seule à même de compléter notre palette de compétences qui rejaillira sur la société civile.