Fière de sa vieille ville, classée patrimoine protégé, la commune de Mila a procédé dernièrement à la réhabilitation de plusieurs des fontaines publiques qui ornaient ses ruelles et ses places, comme pour redonner à la cité son charme d'antan et un peu de son âme perdue. Il est question notamment de restauration et de reconstitution en maçonnerie de vieilles fontaines dégradées datant de différentes époques plus ou moins lointaines dans l'objectif simple de sauver une partie du patrimoine, témoin de l'histoire de cette ville et, pourquoi pas, mettre un peu d'eau potable à la disposition du commun des passants, explique le président de l'APC à l'APS. Les deux fontaines les plus connues de l'antique Milev, en l'occurrence Aïn El Balad et Fontaine romaine, sont millénaires et continuent d'étancher la soif de générations de Miléviens depuis leurs sources qui se perdent sous le mont Marcho sans que personne ne connaisse le tracé exact des canalisations qui transportent leur eau claire et bienfaisante. Les eaux abondantes de Fontaine romaine que déverse, depuis la nuit des temps, une gargouille sculptée dans la pierre ont irrigué les fameux jardins de Mila, aujourd'hui gagnés, hélas, par le béton. Cette source d'«or bleu» constituait pour Mila le repère symbolique de la ville, aussi fort que peut l'être Aïn Fouara pour Sétif, se souviennent, nostalgiques, les plus anciens des Miléviens. Ces jardins, aujourd'hui peu glorieux, ont de tout temps approvisionné la ville en fruits et en maraîchages de qualité incomparable. Les artistes locaux, ceux-là même qui rivalisaient avec les grands maîtres constantinois du malouf, n'ont d'ailleurs pas manqué de chanter abondamment les célèbres grenadiers des jardins de Mila. L'artisanat millénaire vivait également à l'ombre des vieilles fontaines de Mila, comme ce fut le cas des «m'nachrya», nom que l'on donnait à la corporation des briquetiers qui façonnaient les tuiles dites romaines et qui faisaient le charme des vieilles médinas. Cette corporation, dont les derniers membres ont cessé toute activité au début de la décennie 1980, utilisait pour la tuile ancienne des fours de cuisson chauffés à la paille, abondante dans cette région céréalière. La ville de Mila, qui fête chaque année son couscous, le fameux «m'haouer», est réputée aussi pour les «cordons bleus» spécialité couscous à la traditionnelle qui la peuplent. A travers les fontaines, on réhabilite une richesse et un mode de vie. Pour les Miléviens les plus âgés, attachés peut-être plus que d'autres à la préservation des richesses culturelles de leur ville, la restauration des vieilles fontaines renvoie à la protection de tout un patrimoine, au sauvetage d'une civilisation et d'un mode de vie qui peuvent revivre à la faveur des programmes de développement publics en cours. Centre urbain marqué par plusieurs civilisations successives, depuis les Aguellid et les Romains, l'antique Milev s'enorgueillit de sites et de monuments de diverses époques. On y dénombre les inscriptions berbères découvertes au col de F'doulès, la mosquée Sidi Ghanem datant de l'époque d'un compagnon du Prophète (QSSSL), Aboudinar El Mouhadjer, les légendes datant de la période ottomane, encore vivaces dans les mémoires, jusqu'aux lieux de mémoire de la Révolution algérienne. Il y a quelques décennies encore, la majeure partie de la ville de Mila était riche de ses jardins et de ses vastes espaces verts, grâce aussi à ses élégantes fontaines dont le débit, en s'amenuisant, a provoqué le dépérissement de la vieille ville et la disparition de ses vergers verdoyants, mais aussi de tous ses anciens artisans. Autre effet positif, la réhabilitation des vieilles fontaines a entraîné dans son sillage celle de la pierre taillée, matériau noble s'il en est, disponible en abondance à proximité de la ville, mais quelque peu «déclassé» par le très controversé béton. Le tout est salué à Mila comme quelque chose de salvateur, un travail susceptible en tout cas de redonner du caractère à cette cité millénaire.