Tout le monde sait qu'une prise d'otages est une affaire trop sérieuse pour être traitée par la rumeur. Tout le monde sait aussi que dans une prise d'otages, du moins avant son dénouement, on ne peut pas attendre grand-chose comme informations. Et quand une prise d'otages est de la nature de celle d'In Amenas, tout s'accentue, tout est poussé à son paroxysme. Pourquoi ? Parce que les terroristes savent généralement que leurs chances d'obtenir ne serait-ce que le minimum de ce qu'ils formulent comme revendications sont nulles, et celles d'en sortir vivants à peu près du même niveau. Ils sont donc préparés au pire, les dividendes à tirer de l'entreprise étant ailleurs que dans sa «réussite» telle que proclamée. Le pire engendre l'angoisse, l'angoisse demande l'information. Et le manque d'informations donne libre cours à la spéculation, parfois la plus farfelue. Sans doute la rumeur a-t-elle commencé avant même qu'on n'attende les nouvelles et c'est un peu normal : personne n'espérait tout de même des services de sécurité et des relais politiques en charge de l'affaire de tenir le monde extérieur au fait de ce qui se passe dans la base-vie et l'usine de gaz d'In Amenas en temps réel ! Il y a sûrement des informations anodines qu'on aurait pu fournir sans que cela ne compromette le traitement sécuritaire de la situation, mais ce n'était certainement pas le moment le plus indiqué pour ergoter sur le savoir-faire des autorités algériennes en la matière. Y compris sur la présence ou non sur le site de ressortissants français et éventuellement leur nombre. Le président François Hollande a été un exemple de responsabilité en la matière. On était évidemment en droit d'attendre autre chose de plus rassurant du ministre de l'Information que la lecture d'une feuille et la «neutralisation des otages», mais bon… C'est toujours mieux que ce qui se disait ailleurs. Il paraît que la prise d'otages est une invention de l'esprit. Qu'elle serait commanditée par… la France pour justifier son intervention au Mali et éventuellement obtenir le soutien de ses alliés occidentaux encore frileux sur la question. Que l'opération est montée de toutes pièces pour que l'Algérie devienne la prochaine «cible» de l'Occident. Que la simultanéité de l'intervention française au Mali avec ce qui se passe à In Amenas, trop rapide pour être crédible, est la preuve qu'il y a «anguille sous roche». Il s'est même trouvé un ancien ministre et responsable politique pour ne voir dans l'odieuse opération de Benmokhtar qu'une «vitrine médiatique mondiale pour l'Algérie» ! Et de se perdre en conjectures «techniques», puisqu'il se pose sérieusement la question : «C'est tout de même incroyable que le groupe terroriste ait réussi à pénétrer en territoire algérien et se soit dirigé vers la base pétrolière d'In Amenas en parcourant des dizaines, voire des centaines de kilomètres, sans avoir été repéré. Au minimum, il y a une défaillance grave des services de sécurité», écrit-il sur un réseau social ! Mais les doutes «techniques» pour faire passer les certitudes politiques, ce n'est pas vraiment nouveau, même si on croyait en avoir fini. Dans tous les pays du monde, l'épreuve d'In Amenas aurait été d'abord un moment de solidarité nationale, même si on peut comprendre certaines réactions critiques, le pouvoir politique n'étant pas au-dessus de tout reproche sur la question comme sur d'autres. Une fois l'opération militaire terminée et son bilan connu, bien sûr qu'il faudra en tirer toutes les conclusions. Mais il y a d'abord cette première satisfaction et elle n'est pas la moindre : celle de n'avoir pas cédé le moindre pouce aux terroristes.