L'assaut actionné jeudi par les unités spéciales de l'Armée nationale populaire (ANP) pour libérer les otages du site gazier d'In Amenas, au sud-est du pays, s'est traduit certes par l'élimination d'une vingtaine de terroristes, mais également par beaucoup de morts, algériens et ressortissants étrangers de différentes nationalités employés sur le même site. Il s'agit d'expatriés de pays occidentaux, notamment Etats-Unis, Grande-Bretagne ainsi que le Japon. Telles que rapportées hier par de nombreux médias étrangers, les réactions des officiels de ces pays font état d'une inquiétude, voire d'un sentiment de colère à la suite de l'annonce de la mort de leurs ressortissants. Du coup, peut-on dire que les responsables algériens ont actionné l'assaut à In Amenas sans vraiment mesurer les conséquences d'une telle action ? De façon catégorique, Cherif Driss, politologue et enseignant à l'université d'Alger, répond par la négative. «Je ne crois pas que les autorités algériennes aient donné l'assaut à la légère», a-t-il indiqué. Il enchaîne en énumérant les objectifs de l'Armée algérienne à travers l'assaut. «Ces objectifs sont au nombre de trois. Le premier porte sur la libération des otages, qu'ils soient étrangers ou Algériens qui sont d'ailleurs majoritaires parmi les employés du site d'In Amenas. Le second réside dans la nature même de ce site qui est une zone classée, ce qui a rendu l'intervention de l'ANP une nécessité. Quant au troisième objectif, il est lié à la logique suicidaire des terroristes qui menaçaient de faire exploser le site, ce qui fait de l'assaut de l'ANP une action irréversible», explique Cherif Driss. Citant des exemples d'assauts ordonnés par les services de sécurité pour dénouer des prises d'otages, comme celle que vient de subir le personnel du site d'In Amenas, notre interlocuteur persiste à dire que «ce type d'opération inclut dans la majorité des cas des morts parmi les otages» et que «rares, voire inexistants sont les cas de dénouement de prises d'otages qui soient réussis à 100 %». «L'Algérie est souveraine dans ses décisions» À la question de savoir si l'attaque du site gazier d'In Amenas obéit à des calculs visant à impliquer l'Algérie dans la guerre en cours au nord du Mali, le politologue estime qu'il «est encore prématuré pour établir un constat». Il considère en revanche que face à la situation qui prévaut au Sahel et au Mali en particulier, «l'Algérie est appelée à revoir sa stratégie de lutte antiterroriste dans le sud du pays». En ce sens, il explique que l'Algérie est désormais tenue de mieux sécuriser les installations pétrolières du Sud, ainsi les expatriés étrangers qui y sont employés et de faire de même au niveau des frontières. Répondant par ailleurs à certaines réactions occidentales qualifiant l'assaut de «sanglant», Cherif Driss dira «qu'en cas de prise d'otages, une seule perte de vie est dramatique». Notre interlocuteur croit savoir, en outre, que si les autorités algériennes ont eu à gérer l'attaque dudit site sans la moindre assistance étrangère, «cela reviendrait à croire que notre pays, qui capitalise une expérience de dix années dans le domaine de la lutte antiterroriste, a bel et bien les moyens de faire face à des situations similaires à celle qui s'est produite à In Amenas», a-t-il indiqué, concluant «après tout, l'Algérie est souveraine dans ses décisions».