La menace jihadiste restait bien présente jeudi dans la région de Gao (nord du Mali) au lendemain de la découverte d'un engin explosif de 600 kilos, alors qu'à Bamako, le capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo, discret depuis un mois, revenait sur le devant de la scène. L'armée française a de son côté affirmé à Paris qu'elle se trouvait "dans une phase de sécurisation" des zones qu'elle contrôle dans le nord du Mali, en particulier dans l'extrême nord-est, vers Tessalit, près de la frontière algérienne, où elle recueille également des renseignements. C'est dans cette région du massif des Ifhogas qu'ont trouvé refuge une partie des chefs et combattants jihadistes après avoir fui l'avancée des troupes françaises et maliennes. L'action militaire française "réussie" au Mali a été saluée par le secrétaire d'Etat américain John Kerrya. Il a aussi exhorté Bamako à organiser des élections et à discuter avec une partie de la rébellion dans le nord du pays. Gao (1.200 km de Bamako), reprise aux islamistes le 26 janvier par les soldats français et maliens, a été ensuite le théâtre des premiers attentats-suicides de l'histoire du Mali et de violents combats de rue entre les deux armées et des combattants jihadistes infiltrés dans la ville. Mercredi, trois jours après les combats de rue en centre-ville, l'armée française a désamorcé un énorme engin artisanal contenant 600 kilos d'explosifs, trouvé dans la cour d'une maison proche d'un hôtel où logeaient des journalistes étrangers. Pendant l'occupation de la ville en 2012 par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), un des trois groupes islamistes qui ont mis sous leur coupe tout le nord du Mali pendant plus de neuf mois, cette maison a été habitée plusieurs semaines par "Abdulhakim", chef de la police islamique de Gao qui y a commis de nombreuses exactions au nom de la charia (loi islamique). Un fonds pour le Sahel Et dans une maison proche, d'autres importantes quantités d'explosifs ont également été trouvées, selon des militaires français. L'armée malienne semblait se préparer à des opérations autour de Gao, dans des villages dont certains habitants seraient des islamistes ou des sympathisants. Selon des habitants de Kadji, un village proche de Gao, une île sur le fleuve Niger, habitée par les membres d'une secte musulmane radicale, sert de refuge à des jihadistes du Mujao, d'où ils peuvent mener des actions violentes dans la région. Alors que la menace demeure dans le nord du Mali, à Bamako, le capitaine Amadou Haya Sanogo, chef des auteurs du putsch du 22 mars 2012 contre le régime d'Amadou Toumani Touré, a refait surface après un mois de silence. Il a été investi mercredi à la tête d'un comité chargé de la réforme de l'armée malienne, divisée entre ses partisans et ceux du président renversé, en présence du chef de l'Etat par intérim, Dioncounda Traoré, du Premier ministre Diango Cissoko et de hauts responsables militaires. "Le comité militaire n'a aucune vocation politique et ne saurait se substituer à la chaîne de commandement militaire", a affirmé le capitaine. Affirmant que le comité de réforme n'était pas "issu du coup d'Etat du 22 mars", ni "un prolongement" de la junte qui avait gardé le pouvoir deux semaines, le président Traoré a estimé que le capitaine Sanogo a été choisi pour "ses qualités personnelles". Le capitaine Sanogo a accepté de quitter son quartier général de Kati, véritable forteresse pour lui et ses hommes à 15 km de Bamako, pour venir s'installer au siège de l'état-major des armées dans la capitale, où il est plus facilement contrôlable selon des sources diplomatiques et militaires. Dans le même temps, Romano Prodi, envoyé spécial de l'ONU dans le Sahel, a annoncé à Nouakchott la création d'un fonds "destiné à aider" le Sahel. Après Dakar et Nouakchott, M. Prodi devait se rendre d'ici vendredi à Ouagadougou et Niamey. En visite à Dakar, Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, a pour sa part affirmé que son organisation était "très mobilisée" pour reconstruire les mausolées et sauver les manuscrits de Tombouctou dont une partie a été détruite par les islamistes.