Le Mali plongeait, mardi, dans une nouvelle crise ouverte après la démission forcée du Premier ministre sous la pression d'anciens officiers putschistes hostiles à une intervention militaire étrangère pour chasser les islamistes armés qui occupent le nord du pays depuis huit mois. Cheick Modibo Diarra a annoncé, à l'aube, sa démission et celle de son gouvernement après avoir été arrêté par une vingtaine de militaires, dans la nuit, sur ordre du capitaine Amadou Haya Sanogo, chef de l'ex-junte qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré en mars. Ce départ forcé survient au lendemain de la décision de l'Union européenne d'envoyer dans le pays 400 militaires, début 2013, pour former l'armée malienne en vue de la reconquête du Nord, première concrétisation d'un engagement étranger sur le terrain, alors qu'est attendu avant Noël un feu vert de l'ONU sur le déploiement d'une force internationale. Le porte-parole de l'ex-junte militaire, Bakary Mariko, a démenti, mardi, tout nouveau «coup d'Etat». «Le Premier ministre sera remplacé dans les heures qui viennent par le président de la République» par intérim, Dioncounda Traoré, a-t-il assuré, accusant M. Diarra de ne pas avoir agi en «homme de devoir» face à la crise au Mali, mais en fonction d'»un agenda personnel». A la mi-journée, la présidence n'avait pas réagi. La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a souhaité qu'un nouveau Premier ministre «consensuel» soit rapidement nommé et appelé l'armée «à cesser d'interférer dans la vie politique». «Préoccupée», la France a condamné les «circonstances» de la démission de M. Diarra et demandé la formation rapide d'un «nouveau gouvernement représentatif». M. Diarra a annoncé sa démission et celle de son gouvernement lors d'une brève allocution à la télévision malienne, sans fournir d'explication. Il se trouvait, mardi, en résidence surveillée. A Bamako, les habitants vaquaient normalement à leurs occupations. Aucun déploiement de militaires n'était visible, mais les ministères étaient placés sous surveillance policière. L'ARMEE MALIENNE A «LES RESSOURCES NECESSAIRES» Ce nouveau coup de force des ex-putschistes survient alors que Bamako et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont demandé au Conseil de sécurité de l'ONU d'autoriser rapidement le déploiement d'une force internationale de 3.300 hommes dans le Nord. Parallèlement, l'UE a mis, lundi, sur les rails sa mission de 400 militaires, dont 250 formateurs, qui devront dès le premier trimestre 2013 réorganiser une armée malienne en piteux état depuis sa débâcle face aux groupes armés. Alors que M. Diarra s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une intervention étrangère rapide, le capitaine Sanogo, devenu chef d'un comité de réforme de l'armée, l'avait acceptée du bout des lèvres, disant préférer compter sur l'armée malienne pour reconquérir le Nord. «Si la communauté internationale doit tarder, l'armée malienne prendra ses responsabilités», a redit le porte-parole de l'ex-junte. Ce nouveau rebondissement prouve la fragilité des autorités civiles de transition, alors que le capitaine Sanogo, contraint de rendre le pouvoir à des civils après son coup d'Etat le 22 mars, mais resté influent, a une nouvelle fois prouvé son pouvoir de nuisance. Les profondes divisions de la société malienne avaient d'ailleurs poussé des partis et organisations politiques à demander le report des «concertations nationales» prévues à partir de mardi par le gouvernement de transition pour tenter d'établir une «feuille de route» pour les mois à venir. Sur internet, un Malien exprimait son désarroi devant cette situation, qualifiant son pays de «patchworck de fous d'Allah, de fous du treillis et de fous de prestiges». Le nord du Mali est contrôlé depuis fin juin par trois groupes islamistes armés: Ansar Dine, mouvement essentiellement composé de Touaregs maliens, et les jihadistes surtout étrangers d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, dont le pays -première puissance militaire régionale au Sahel- joue un rôle incontournable pour toute résolution de la crise au Mali, a estimé «normal» que ce pays bénéficie d'un soutien international dans sa lutte contre le terrorisme, «une menace globale».