La Libye marque dimanche le deuxième anniversaire du début de la révolte populaire qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi, au moment où des appels à manifester contre les nouvelles autorités font craindre des débordements dans un pays en proie à l'insécurité. Partis de Benghazi, berceau de la révolution libyenne dans l'Est libyen, des appels à manifester à partir du 15 février ont été lancés par plusieurs groupes libyens, dont des partisans du fédéralisme et des organisations de la société civile. Les revendications vont du "bannissement des responsables de l'ancien régime" à "la chute du (nouveau) régime", en passant par la dissolution des milices armées qui font la loi dans le pays depuis la chute du régime Kadhafi. Organisés en milices, les "thowar" (révolutionnaires) héros de la révolution libyenne qui ont combattu les forces de Mouammar Kadhafi jusqu'à sa mort le 20 octobre 2011, sont considérés comme responsables de l'insécurité ambiante et comme une entrave au processus de reconstruction de l'Etat. La mort de l'ambassadeur américain Chris Stevens lors de l'attaque du consulat des Etats-Unis à Benghazi, le 11 septembre 2012, a illustré l'influence grandissante de ces groupes armés, en particulier les groupes islamistes extrémistes. "Le dossier sécuritaire est l'un des défis auxquels fait face le pays, en particulier la prolifération d'armes et l'évasion de milliers de prisonniers" durant la révolution de 2011, estime Souleiman Azqim, analyste politique. Selon lui, "les nouvelles autorités se sont trouvées face à des revendications sociales immédiates qui les empêchent de mettre en œuvre des stratégies économiques ou sécuritaires de moyen ou long terme". Malgré la tenue des premières élections libres dans l'histoire du pays, en juillet 2012, M. Azqim a estimé que le pays n'était "pas encore mûr" au niveau politique, après plus de 40 ans de dictature sous Mouammar Kadhafi, qui interdisait la création de partis politiques. L'Assemblée hétéroclite issue de ces élections peine à faire avancer des dossiers comme la réconciliation nationale, la mise en place d'une justice transitionnelle et surtout la rédaction d'une Constitution pour tracer le futur politique du pays. Pour expliquer la lenteur des réformes, les nouvelles autorités invoquent un "lourd héritage" laissé par Kadhafi: un pays dépourvu d'institutions, une armée et des services de sécurité marginalisés et des fidèles de l'ancien régime accusés de chercher à entraver le processus démocratique. Accusant de nouveau les pro-Kadhafi de vouloir "semer le chaos", cette fois-ci durant les cérémonies marquant le deuxième anniversaire de la révolution, le gouvernement et des ex-rebelles ont menacé de recourir à la force contre tous ceux qui "tenteraient de perturber les festivités". Ils ont annoncé des mesures draconiennes pour sécuriser le pays. Ainsi, le gouvernement a annoncé mardi la fermeture des frontières terrestres avec la Tunisie et l'Egypte du 14 au 18 février, et la suspension des vols internationaux dans les aéroports du pays, à l'exception de ceux de Benghazi et Tripoli. La Libye avait déjà décidé fin décembre de fermer ses frontières avec ses quatre voisins du sud. Depuis quelques jours, des points de contrôle ont été érigés aux principaux carrefours et entrées de Tripoli. Les mêmes dispositions ont été mises en place à Benghazi où des habitants constituaient des groupes d'autodéfense dans leurs quartiers. Constatant l'ampleur qu'ont pris leurs appels à manifester contre les autorités, et la crainte que cela a généré au sein de la population, plusieurs organisations de la société civile, dont les partisans du fédéralisme dans l'est du pays, ont annoncé le report de leurs mouvements de protestation.