Des milliers de partisans de l'opposition ont manifesté vendredi près de Manama, au lendemain d'affrontements ayant fait deux morts lors des commémorations du 2e anniversaire du soulèvement animé par la majorité chiite qui réclame des réformes démocratiques. Arborant le drapeau national, les manifestants ont défilé, aux cris "A bas la dictature", à Boudaya, une route reliant plusieurs villages chiites. Des dirigeants de l'opposition, dont cheikh Ali Salmane, chef d'Al-Wefaq, principale formation chiite, ouvraient la marche. Plus loin, les forces de sécurité ont fait usage de gaz lacrymogènes et de bombes assourdissantes pour disperser un groupe de protestataires qui tentaient de marcher sur la "Place de la Perle", symbole du soulèvement du 14 février 2011, selon des témoins. Les protestataires répondaient à l'appel du Collectif du 14-Février, un mouvement radical clandestin, qui a tenté en vain jeudi de marcher sur cette place, dont le monument central a été totalement rasé par les autorités peu après la répression en mars 2011 d'un mois de contestation. Ce regain de tension intervient alors qu'opposition et gouvernement ont engagé le 10 février un dialogue en vue d'une sortie de crise dans ce petit pays du Golfe dirigé par une dynastie sunnite. La prochaine séance est prévue mercredi alors que le pouvoir n'a fait aucune concession politique de fond. "Le gouvernement ne permettra pas le recours à la violence comme moyen de pression sur les négociateurs", a déclaré le ministre de la Justice, cheikh Khaled Al-Khalifa, coordinateur du dialogue national. "Celui qui a des revendications sérieuses et réelles ne doit pas inciter à la violence". "Le peuple est déterminé à obtenir ses droits légitimes pacifiquement", a rétorqué dans un communiqué l'opposition, qui réclame notamment une monarchie constitutionnelle, un gouvernement issu d'élections et la fin de la discrimination confessionnelle. Le ministère de l'Intérieur a annoncé la mort dans la nuit d'un policier, Mohamed Atef, touché par un projectile incendiaire lancé par des manifestants lors d'affrontements à Al-Sahla, un village chiite près de Manama. En outre, a-t-il ajouté, une unité de la lutte anti-terroriste a désamorcé jeudi soir une bombe de près de deux kilogrammes, placée sur le pont-digue du roi Fahd qui relie Bahreïn à la province Orientale d'Arabie saoudite où se concentre la minorité chiite de ce royaume à majorité sunnite. Jeudi, la police a fait usage de gaz lacrymogène et tiré à la chevrotine pour disperser des centaines de manifestants qui leur lançaient des pierres et des cocktails Molotov dans plusieurs villages chiites. Les protestataires ont bloqué les accès des villages avec des pneus en feu, des troncs d'arbres ou des bennes à ordures, selon des témoins. "Le peuple veut la chute du régime", "A bas Hamad", le roi de Bahreïn Hamad ben Issa Al-Khalifa, a scandé la foule. Un manifestant de 16 ans, Hussein al-Jaziri, a été tué par des tirs à la chevrotine et le parquet a annoncé qu'il interrogeait deux policiers soupçonnés d'implication dans sa mort. "Hussein al-Jaziri a été tué de sang froid", a accusé l'opposition, déplorant "des dizaines de blessés et plusieurs arrestations illégales". Les heurts se sont poursuivis par intermittence jusqu'aux premières heures de vendredi dans certains villages où des protestataires ont fait exploser des bonbonnes de gaz, ont indiqué des habitants. La répression de la contestation, déclenchée en 2011, s'est soldée par 80 morts selon la Fédération internationale des droits de l'Homme. Plusieurs dirigeants de l'opposition ont été emprisonnés alors que les manifestations chiites ont continué à secouer le pays. Des troupes venant des monarchies voisines du Golfe, notamment d'Arabie saoudite, sont déployées dans le royaume qui abrite le siège de la Ve Flotte américaine.