Le parquet sud-africain a retenu mardi à Pretoria la "préméditation" contre Oscar Pistorius, le champion handisport accusé du meurtre de sa petite amie, alors que sa défense a plaidé l'accident à l'audience, qui coïncide avec les obsèques de la victime, le mannequin Reeva Steenkamp. Il "a tiré et a tué une femme innocente non armée. Il a tiré quatre fois", a expliqué le procureur Gerrie Nel, un poids lourd du parquet sud-africain, avant de détailler les éléments justifiant selon lui que Pistorius ne soit pas remis en liberté sous caution. "La victime a été touchée trois fois alors qu'elle était aux toilettes" et "la porte des toilettes a été défoncée depuis l'extérieur. Nous pensons que la porte était fermée à clé", a-t-il indiqué soulignant qu'"il n'y avait que deux personnes dans la maison cette nuit-là". L'accusé "a mis ses prothèses, marché sept mètres et fait feu", a-t-il ajouté. Pistorius, héros national et source d'inspiration pour des millions de fans dans le monde, est entré dans l'histoire pour avoir pris le départ du 400m et du 4x400m avec des athlètes valides aux JO de Londres 2012, alors qu'il est handicapé de naissance. Il porte des prothèses qu'il remplace par des lames de carbone en forme de pattes de félin lorsqu'il est sur les pistes, ce qui lui a valu le surnom de Blade Runner. Entré dans la salle d'audience d'un tribunal de Pretoria (nord) peu avant 10h00 (08h00 GMT), le sportif était vêtu, comme lors de sa première comparution vendredi, d'un costume noir sur une chemise bleue et une cravate grise. Le visage anxieux, il fixait droit devant lui, murmurant parfois comme s'il priait. Son père Henke, ainsi que sa sœur Aimée, habillée en noir, les yeux cernés, étaient au deuxième rang des bancs réservés au public et aux médias, venus du monde entier. Oscar Pistorius a fondu en larmes et sangloté doucement lorsque son avocat Barry Roux a contesté la qualification de "meurtre", évoquant "le cas d'autres affaires où des maris ont tiré sur leur épouse par accident en pensant à un intrus". "Il n'y aucun élément indiquant la moindre préméditation. Tout ce que nous savons, c'est qu'elle s'est enfermée dans les toilettes. Elle a été tuée dans les toilettes (...) il a pensé qu'elle était un intrus", a précisé l'avocat, évoquant "la mort prématurée et malheureuse de Reeva Steenkamp". Au même instant, la cérémonie d'hommage à Reeva débutait à Port-Elizabeth (sud) à 11h00 (09h00 GMT) dans un crématorium privé, en bordure d'un parc de la ville côtière où avait grandi la top-modèle, très engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Le cercueil couvert d'un drap et d'une composition de fleurs blanches était arrivé une heure plus tôt au crématorium, porté par six hommes. A Pretoria le procureur a enfoncé le clou: "L'accusé a dit à sa sœur qu'il pensait que c'était un voleur. Pourquoi un voleur s'enfermerait-il dans les toilettes?". La défense a rétorqué que "l'accusé n'avait pas de condamnation antérieure ni d'autres affaires en cours que celle-ci". Le juge a demandé à Pistorius "s'il comprenait qu'il n'a pas le droit de mentir au sujet de condamnations antérieures". "Oui, votre honneur", a-t-il répondu, d'une voix tremblante, le juge lui demandant de répéter plus fort. Selon le quotidien The Times, les enquêteurs ont procédé à des analyses pour déterminer si des traces d'activités sexuelles dans la chambre de l'athlète dataient de cette nuit-là, et de qui elles provenaient. Ils se demandent aussi, selon la même source, pourquoi la voiture de Pistorius n'était pas entrée comme d'habitude au garage, ses clefs laissées sur le contact. Alors que le courage de Pistorius en faisait un homme exemplaire aux yeux du monde et une tête d'affiche pour de nombreux sponsors, les détails qui ont émergé sur lui le font apparaître comme un être anxieux, arguant de la criminalité élevée en Afrique du Sud pour s'équiper d'un armement hors norme, malgré un domicile très protégé. La presse affirme que des stéroïdes anabolisants et des seringues ont été retrouvés dans un tiroir chez lui. Pistorius avait demandé des licences pour un fusil Maverick, un fusil Mossberg, un fusil Winchester, une carabine Vector .223, un revolver Smith & Wesson 500 et un revolver .38 Special, selon le quotidien de Johannesburg The Star. L'audience, qui ne concerne que sa demande de mise en liberté sous caution, doit durer jusqu'à mercredi, en attendant le procès proprement dit.