L'Afrique de l'Ouest a réclamé lundi 950 millions de dollars (715 millions d'euros), deux fois plus que promis, pour financer la guerre au Mali et le renforcement des troupes africaines, censées prendre le relais de l'armée française engagée contre les jihadistes dans l'extrême Nord. Face au risque d'"une guerre asymétrique ou d'usure" menée par les "narco-terroristes", le relèvement des effectifs africains, fixé à au moins 8.000 hommes, "s'impose comme une priorité", a déclaré à Abidjan le ministre ivoirien des Affaires étrangères, Charles Koffi Diby. Cela porte "l'estimation financière globale à 950 millions de dollars", a-t-il indiqué sans plus de détails, à l'ouverture d'une réunion de ministres de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Fin janvier, la communauté internationale avait promis, au cours d'une conférence à Addis Abeba, une enveloppe financière de plus de 455 millions de dollars (338 MEUR) pour le Mali, destinée à la force africaine dans ce pays (Misma) et à l'armée malienne, ainsi qu'à de l'aide humanitaire. Aucun point global n'a été fait jusqu'à présent sur les sommes effectivement décaissées. La Misma a annoncé vouloir déployer 6.000 hommes, contre 3.300 prévus au départ, et envisagerait l'envoi de 2.000 autres éléments, selon une source militaire africaine. "Près de 6.000" hommes de la Misma sont "en train d'être déployés progressivement sur tout l'ensemble du territoire", assurait en fin de semaine le lieutenant-colonel Diarran Koné, du ministère malien de la Défense. S'y ajoutent les 2.000 soldats tchadiens promis par N'Djamena, qui ne font pas partie de la Misma mais travaillent en coordination avec elle. Jusque-là, seuls les 1.800 soldats du Tchad déjà déployés au Mali et les troupes du Niger (500 hommes promis) sont engagés sur les points les plus chauds dans le grand Nord aux côtés des troupes françaises. La Mauritanie a salué lundi un combat "courageux". La France est engagée depuis le 11 janvier contre les jihadistes qui occupaient la moitié septentrionale du pays depuis l'an dernier, y commettant de multiples exactions au nom de la charia (loi islamique), et menaçaient de descendre vers le Sud. Bombardements, combats et guérilla Les principales villes de la zone ont été reprises et désormais les troupes françaises sont lancées, selon le président François Hollande, dans la "dernière phase" dans l'extrême Nord et le massif des Ifoghas, où sont "sans doute regroupées les forces d'Aqmi" (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Des combats y avaient fait, vendredi, 116 morts, selon l'état-major tchadien: 23 dans les rangs de l'armée tchadienne et 93 dans le camp des islamistes armés. Paris envisage de réduire ses effectifs si possible dès mars, mais les récentes attaques suicide et de violents accrochages montrent que les jihadistes ont opté pour la guérilla. Deux sénateurs américains fraîchement rentrés du Mali ont appelé lundi la France à rester engagée militairement au Mali au-delà de mars, vu l'impréparation des contingents africains appelés à prendre la relève. "Je suis inquiet des déclarations publiques optimistes des Français, selon lesquelles ils ont réussi à disperser les extrémistes", a notamment déclaré Christopher Coons, spécialiste de l'Afrique à la commission des Affaires étrangères. "La stabilisation de la situation pourrait requérir une présence militaire française plus durable", a-t-il estimé. Sur le terrain, la France se coordonne avec la rébellion touareg laïque du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). L'armée française a donné à ces rebelles un coup de main en bombardant dimanche une base du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA) qui venait d'affronter le MNLA dans le Nord-Est. Ces frappes aériennes ont fait quatre blessés dans les rangs du MAA, selon ce dernier mouvement et une source sécuritaire régionale. Le MAA avait dit avoir attaqué en représailles à des violences contre des Arabes. De leur côté, les Etats-Unis ont déployé des drones de surveillance et "partagent" leurs informations "avec les troupes françaises et africaines opérant au Mali", a souligné lundi à Abidjan le général Carter Ham, haut commandant des forces armées américaines en Afrique (Africom). Ces appareils "Predators" sont déployés sur une base de Niamey. Le chef de la diplomatie ivoirienne a par ailleurs jugé prioritaire de "protéger les populations touareg contre toutes formes d'exactions". Les communautés touareg et arabes, souvent considérées dans le Nord malien comme favorables aux islamistes, sont victimes d'exactions, généralement imputées à l'armée malienne, selon de nombreux témoins et des ONG internationales. Lundi soir, interrogé sur les accusations d'exactions sur des civils portées contre des soldats maliens à Tombouctou (nord-ouest), un responsable de la communication de l'armée malienne a annoncé que des militaires "fautifs" avaient été rappelés du nord du Mali et "seront mis à la disposition des autorités judiciaires". Un sommet des chefs d'Etat de la Cédéao centré sur le Mali doit se tenir mercredi et jeudi dans la capitale politique ivoirienne, Yamoussoukro. Selon des sources concordantes, le chef de l'Etat ivoirien Alassane Ouattara devrait être à cette occasion renouvelé à la présidence de la Cédéao, qu'il occupe depuis un an.