A Ouargla comme dans d'autres wilayas du pays, les cafés ne désemplissent pas. «C'est parce qu'on n'a pas beaucoup de choix en matière de loisirs. Nous n'avons souvent que les cafés pour nous rencontrer, surtout avec le chômage et le manque de moyens». Cette déclaration est celle des nombreux jeunes chômeurs de Ouargla rencontrés dans cette wilaya du sud du pays. A l'entrée de la wilaya, une imposante flamme, provenant probablement d'un puits, déchire une partie de la nuit, annonçant qu'il s'agit d'une région pétrolière et/ou gazière. Pourtant, rien n'indique qu'il s'agit d'une région riche. En tout cas, pas les chaussées défoncées, les bidonvilles et ces scènes choquantes où, à la fermeture du marché de gros, plusieurs personnes accourent vers les dépotoirs dans l'espoir de trouver de quoi se nourrir. «Nous dormons sur de l'or et nous nous couvrons avec du carton», dira un jeune chômeur de cette wilaya. L'or étant le pétrole et le carton représentant la misère (...) Nous vivons dans une ville pétrolière, donc riche, mais nous subissons la pauvreté et la misère sociale», estime-t-il. «Nous voulons du travail, c'est notre droit. Si chacune des sociétés pétrolières recrutait un petit nombre de chômeurs, le problème serait éradiqué dans notre wilaya», affirment de nombreuses personnes parmi les jeunes chômeurs rencontrés. A la place des Martyrs, non loin du siège de l'Assemblée populaire communale (APC) de Ouargla, des jeunes se rencontrent, comme ailleurs, autour d'un thé ou d'un café. La rencontre dure des heures et des heures, concèdent-ils. «A part aller au siège de l'Agence nationale de l'emploi (Anem), nous n'avons pas quoi faire. Ici, c'est l'oisiveté totale. Nous n'avons aucun moyen de divertissement. On ne peut rien acheter alors qu'on voit sur des chaînes de télévision satellitaire la vie se dérouler sous d'autres cieux, avec tout le confort dont on ne dispose pas. C'est la frustration. Les populations, surtout les jeunes, sont désespérées», dira un ex-travailleur de société nationale spécialisée dans le forage pétrolier. A Souk Lahdjar, un tract est distribué aux jeunes, contenant des revendications d'ordre social. Le droit au travail. Un texte non signé mais dont le contenu est lu attentivement dans les cafés et ailleurs. L'une des revendications contenues dans ce texte est la promotion de cadres issus de Ouargla. «Nommer nos cadres à des postes supérieurs de l'Etat» «Nous demandons que nos cadres qui ont des compétences soient nommés à des postes supérieurs de l'Etat et ne pas se suffire de leur promotion à des postes de secrétaires généraux et de chefs de daïra», est-il également écrit dans un autre document distribué à Ouargla et dont nous disposons d'une copie. «Nous avons écouté le premier ministre Abdelmalek Sellal qui, d'In Amenas, a déclaré, le 24 février en cours, que des personnes issues de la wilaya de Ouargla sont nommées à de hautes fonctions. Peu de temps après, il y a eu un mouvement dans le corps des walis. Pour nous, ça reste insuffisant. Nous demandons que nos cadres soient reconnus», diront plusieurs jeunes chômeurs rencontrés à Ouargla. «Ils disent que nous n'avons pas de diplômes pour exercer dans des sociétés pétroliers. Moi, je suis ingénieur et je suis au chômage parce que je n'ai pas pu être recruté», lance un jeune, qui ajoute : «Nous ne demandons pas seulement des emplois mais également le renforcement du développement du Sud». «L'université de Ouargla assure la promotion de cadres depuis l'année 2000 et nombre parmi eux sont au chômage», selon ce jeune. Un autre intervient pour le soutenir : Regardez la chaussée comme elle est abîmée. Faut-il beaucoup de moyens pour améliorer l'esthétique de la ville ? Qu'on ne nous dise pas qu'il s'agit d'un problème financier puisque Ouargla est une wilaya pétrolière, donc riche. Regardez en face de vous. Le château d'eau. Il n'est même pas peint et voyez dans quel état il se trouve. Ça reflète le délaissement de la wilaya de Ouargla». Les bidonvilles de Béni Thour Nombre de ces jeunes nous invitent à les suivre dans d'autres quartiers. «Vous allez voir vous-même à quel point la wilaya est délaissée», lancent-ils. Direction Béni Thour. Là également, les chaussées sont défoncées et le décor ne reflète pas un statut de wilaya pétrolière. Un bidonville est dressé dans ce quartier. «J'y vis depuis maintenant 19 ans avec mon épouse, mes trois filles et mon fils. Je n'ai pas bénéficié de logement malgré ma situation sociale précaire aggravée depuis que j'ai perdu mon travail dans une société nationale spécialisée dans les travaux pétroliers, où j'avais exercé pendant 13 ans», nous dira Djamel Dadou, rencontré sur les lieux. «Des logements de type F2 dans la vaste Ouargla !» Le logement est un autre problème évoqué par les personnes rencontrées sur les lieux. «La wilaya de Ouargla dispose d'une superficie qui dépasse les 200 000 km2, et pourtant, on y a construit des logements de type F2. Ce n'est pourtant pas l'espace qui manque, ni l'argent», nous dira un autre citoyen. «Vous savez, seuls 800 logements ont été construits dans la wilaya en 4 ans», selon lui. «Ici, il y a des familles de 16 personnes qui habitent un même logement. Qu'on prenne en considération le caractère immense du territoire de la wilaya dans la réalisation de logements, au lieu de contraindre les gens à vivre dans l'exiguïté», lance Kamel, la cinquantaine. «Moi, j'habite un logement de type F2 avec ma nombreuse famille», nous dira un habitant de Hai Ennasr, à 7 km de la wilaya de Ghardaïa. «L'administration ne veut pas régler les problèmes des gens, ici à Ouargla, et donc nous ne la reconnaissons pas et c'est parce que nous ne la reconnaissons pas que nous n'avons pas déposé de demande d'agrément pour notre comité», nous dira Tahar Belabbès, coordinateur du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), rencontré sur les lieux. Des quartiers sans gaz de ville «Comment parler de développement quand on sait que plusieurs quartiers dont Ziyaniya et El Frane ne disposent même pas de gaz de ville ? C'est pourtant une wilaya pétrolière !» dira un autre jeune de la wilaya de Ouargla. «Les gens, dans ces quartiers, utilisent encore des torches alors que la flamme émanant d'un puits de pétrole est constamment allumée à l'entrée de la wilaya», s'insurge-t-il. «Nous demandons le développement de notre wilaya et le lancement de projets qui pourraient nous aider à avoir plus de chances d'obtenir des emplois, comme par exemple la réalisation d'un institut de langues qui formerait des interprètes qui pourraient ensuite être recrutés dans des sociétés nationales et étrangères de cette région pétrolière», nous diront d'autres jeunes rencontrés au quartier Mekhadma. «Le gaz est exporté de la wilaya de Ouargla jusqu'à l'Italie et l'Espagne alors que de nombreuses familles de cette même wilaya n'en disposent pas. Les canalisations de gaz passent près de chez nous, mais nous ne sommes pas desservis», lance un autre habitant de Ouargla. «Pour que Sonatrach sponsorise les équipes sportives locales» «Nous ne pourrons être que favorables à cette idée si Sonatrach sponsorisait également nos équipes sportives locales, dont Rouissat, Béni Thour et mekhadma. C'est pour vous dire que beaucoup de choses pourraient être faites pour le bien de la wilaya de Ouargla et qui aideraient très efficacement nos jeunes à voir la lumière», lance un habitant de Mekhadma. Le domaine de l'agriculture est également évoqué par nos interlocuteurs : «Moi, j'ai bénéficié du droit d'exploitation d'une terre à vocation agricole pour une durée de cinq ans. Cette durée va bientôt arriver à terme et je n'ai entrepris aucun travail sur cette terre parce que je ne dispose pas des moyens nécessaires», dira pour sa part un agriculteur rencontré sur les lieux. «Il nous faut de l'aide financière pour concrétiser nos projets. Ici, à Ouargla, il n'y a pas que le pétrole, il y a aussi des terres qui peuvent être rentables pourvu qu'on nous encourage et qu'on nous aide», ajoute-t-il. «Nous ne voulons que l'amélioration de nos conditions de vie. Nos aïeux ont refusé au général de Gaulle sa proposition de séparer le sud du nord du pays et ont combattu cette idée, et nombre parmi eux sont morts sur le champ de bataille en 1961. Nous n'accepterons donc jamais que notre pays soit scindé et nous serons parmi les premiers à lutter contre toute tentative de ce genre», diront les jeunes chômeurs que nous avons rencontrés à Ouargla.