Confronté à l'inquiétude des Français, voire leur exaspération, y compris dans son propre camp, François Hollande a défendu jeudi soir lors d'un entretien télévisé son bilan de dix mois au pouvoir et réclamé du temps face à une crise dont il a reconnu n'avoir pas anticipé la durée. "Nous n'avions pas anticipé" que la crise durerait "plus longtemps que prévu", a déclaré le président socialiste sur la chaîne de télévision publique France 2. Face à cette situation, "j'ai mis en place une politique. Tous les outils sont là et c'est cette politique là, ces outils là, qui maintenant vont être mis en œuvre", a-t-il ajouté en évoquant l'aide engagée pour le recrutement notamment des jeunes par les entreprises. "Ma priorité c'est l'emploi, mon cap c'est la croissance", a-t-il insisté, se montrant pédagogue, en réaffirmant sa volonté de voir inverser la courbe du chômage d'ici à la fin de l'année. Cette inversion, c'est un "engagement et une bataille", a-t-il dit, tout en reconnaissant que le nombre de chômeurs "va augmenter jusqu'à la fin de l'année". Elu en mai face à Nicolas Sarkozy en promettant que le "changement, c'est maintenant", le chef de l'Etat est confronté depuis quelques semaines à une série de mauvaises nouvelles. Mercredi, les Français ont ainsi appris que leur pouvoir d'achat en 2012 avait reculé pour la première fois depuis 1984 (-0,4%), en raison des hausses d'impôts décidées par le gouvernement socialiste et d'une croissance nulle l'année dernière. La veille, la publication des chiffres du chômage pour février indiquait une hausse pour le 22e mois consécutif, avec 3.187.700 chômeurs. "Quand on est président de la France, on n'est pas conseiller général de canton, on prend la mesure de la situation et on change de braquet", a dénoncé il y a quelques jours un député socialiste de Paris, Pascal Cherki, illustrant un mécontentement croissant sur la gestion du pays au sein du parti au pouvoir. Popularité en chute libre "J'ai besoin de tous les Français", a aussi lancé jeudi François Hollande, comme en réponse aux interrogations que suscite sa politique, y compris dans son camp socialiste. En 2013 et 2014, il n'y aura pas d'impôts supplémentaires pour les Français, a promis le président. En quête de crédibilité y compris chez les siens, François Hollande fait face à des sondages désastreux, alors qu'il avait connu un petit regain de popularité en lançant en janvier l'armée française contre les groupes jihadistes armés au Mali. Selon une enquête de l'institut CSA, seuls 29% des Français le jugent compétent et 22% le considèrent comme un bon président. La déception s'est manifestée dimanche lors d'une législative partielle: une candidate du Front national (FN, extrême droite qui prône la sortie de l'euro) a enregistré une très forte progression des voix dans une circonscription du nord de la France, touchée par la désindustrialisation. Lors de son intervention, François Hollande a parlé d'une nouvelle modalité de la taxe à 75% sur les super riches, promesse emblématique de campagne plombée par des censures du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat qui l'a limitée à 66,6%. Les entreprises paieront la taxe à 75% sur les salaires de plus d'un million d'euros, a-t-il précisé. "Le problème de François Hollande, c'est qu'il parle tout le temps, mais qu'on ne l'entend pas", ironisait jeudi matin un éditorialiste, Alain Duhamel, sur la radio RTL, alors que plusieurs journaux jugeaient qu'il avait avec son émission un "Grand oral risqué" (Le Parisien) ou une "heure de vérité" (Le Figaro).