De Ouargla à El Oued en passant par Ghardaïa ou Adrar, la tension persiste dans le sud du pays. Les revendications qui tournaient au départ autour des questions de l'emploi et auxquelles les pouvoirs publics ont répondu à travers des «mesures urgentes» se «politisent» désormais et s'élargissent pour concerner des concepts aussi sensibles que les droits de l'homme, l'unité nationale et l'intégrité du territoire. Des accusations fusent aussi pour fustiger certains «cercles du pouvoir», accusés de vouloir pousser, pour des raisons non encore évoquées, au «pourrissement de la situation». Les évènements de Ghardaïa qui ont abouti à l'arrestation de près d'une dizaine d'activistes des droits de l'homme – dont Kamel Eddine Fekhar, ancien membre de la direction du FFS – qui observent depuis presque une semaine une grève de la faim, illustrent on ne peut mieux la dangerosité de la situation dans le Sud et qu'il faut absolument désamorcer avant qu'elle ne déclenche un brasier qu'il sera impossible d'éteindre par de simples mesures qui ne font tout compte fait qu'exacerber davantage le sentiment d'exclusion que mettent en avant aujourd'hui ces populations du sud du pays. L'avocat des détenus de Ghardaïa parle même à demi-mots de «racisme». La fédération du FFS à Ghardaïa dénonce dans un communiqué rendu public «fermement toute violation ou atteinte à l'intégrité des personnes et des biens sous quelque prétexte que ce soit et quelles que soient les circonstances». Le FFS, qui considère que «les mêmes évènements peuvent se produire (…) dans d'autres wilayas du pays si le pouvoir poursuit cette politique», estime que «le pouvoir, son administration et ses officines portent la première responsabilité des évènements qui ont eu lieu à Ghardaïa et Ouargla, d'autant que ce mouvement est appelé à s'étendre selon toute probabilité». Tout en appelant les citoyens «à faire preuve de vigilance et à s'opposer pacifiquement à toute menée visant à entraîner les jeunes dans des actes de violence, à refuser les stratégies de radicalisation et les politiques extrémistes», le FFS appelle à «l'amplification et au renforcement de la mobilisation pacifique pour revendiquer le changement démocratique». La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh) de Laghouat affirme dans un autre communiqué dont nous détenons une copie que «des éléments des forces de police ont porté des coups aux manifestants pacifiques et plusieurs d'entre eux ont été arrêtés et retenus au commissariat de la ville». Les manifestants pacifiques y ont subi des violences physiques et morales graves, notamment coups, privation de nourriture et insultes, selon le même document qui affirme que Sofghalem Kacem et Fekhar Kamel Eddine, «qui sont aussi des défenseurs des droits humains membres de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, sont aujourd'hui en isolement après avoir été obligés d'enlever leur habit traditionnel mozabite sans aucune justification». Il s'agit ici d'une humiliation supplémentaire et d'un traitement inhumain en raison de leur activité de défense des droits humains, juge la Laddh qui dénonce «la volonté de criminaliser des revendications sociales et politiques légitimes», et exige par le biais de sa section de Ghardaïa «la libération immédiate de tous les manifestants pacifiques, l'abandon de toutes poursuites à leur encontre et la cessation du harcèlement par les autorités des défenseurs des droits humains et de toute expression citoyenne pacifique».