Les conditions de séjour sont inhumaines : les toilettes sont collectives, l'électricité est disponible grâce au piratage du réseau d'éclairage public et les familles n'arrivent pas à préserver leur intimité. Elles sont en tout 17 familles à occuper un ancien dépôt de médicaments. Le hangar est situé derrière le CEM Abderrahmane Mira, à R'mila, dans la commune de Bab El Oued. Parmi ces familles, il y en a qui vivent là depuis six ans. C'est-à-dire au lendemain des inondations qui ont frappé le cœur de Bab El Oued, en novembre 2001. Les occupants parlent volontiers d'un «centre de transit». Le hangar était réellement un centre de transit. Plusieurs familles sinistrées suite aux inondations y ont été transférées avant leur relogement définitif. Les occupants actuels sont venus après l'évacuation des lieux. Ils y résident sans aucun document officiel, à en croire un habitant. Les familles ont été sommées de libérer le hangar en 2006. Toutefois, les autorités locales ne sont pas allées jusqu'au bout de leur logique. Entre temps, le nombre des familles a grandi. «Actuellement, leur nombre atteint les 17 familles, mais seules 13 ont réellement besoin d'un logement», assure un père de famille, fonctionnaire de son état. Selon lui, des intrus se sont introduits dans le centre pour paraître mal logés et revendiquer de ce fait le droit à un appartement. «Plusieurs recensements ont été faits», précise-t-on. En fait, les 13 familles réellement dans le besoin sont les foyers composés de couples avec enfants. Les autres résidants ne répondraient pas à cette classification. D'après nos interlocuteurs, les autorités locales connaissent très bien leur cas. «Le président de l'APC déclare ne pas être habilité à reloger des personnes, mais le wali délégué de Bab El Oued ne veut rien savoir. Il nous demande de nous débrouiller», indique habitant. A l'intérieur du groupe, vu les intrus, la revendication d'un logement décent ne fait pas l'unanimité. Nos vis-à-vis se veulent affirmatifs : la plupart des familles du centre de transit se connaissent et habitaient toutes dans la commune de Bab El Oued. Les concernés n'espèrent qu'une chose : un toit décent où ils peuvent préserver leur intimité et leur intégrité. Un trou à rat Les conditions de vie sont tout simplement insupportables. Les deux étages du dépôt sont divisés en chambrettes. Chaque famille occupe un carré. Les chambrettes sont séparées à l'aide de planches en contreplaqué ou de bâches. Les draps remplacent les portes. Les toilettes sont collectives. Le hangar n'est plus alimenté en électricité. Pour s'éclairer, les occupants ont piraté le réseau d'éclairage public. Les coupures sont quotidiennes. Dans les couloirs, c'est le noir. La visibilité est nulle. Le femmes accompagnent leurs enfants jusqu'au rez-de-chaussée pour éviter qu'ils se renversent dans les escaliers étroits du 1er et du 2e étages. «Les toilettes du rez-de-chaussée étaient réservées aux hommes», affirme notre guide. Aujourd'hui, ces toilettes sont devenues un énorme dépotoir où les eaux usées se mêlent à des déchets multiples, d'où se dégagent des odeurs écœurantes. Dans les parties occupées du bâtiment, les bruits de pas dans les couloirs provoquent un grand vacarme. Il suffit que quelqu'un allume sa télé pour que tout le monde suive le même programme. «Ici, les familles n'arrivent pas à garder leur intimité», se plaint-on. Les familles font aussi face à l'insécurité. Chaque soir, des groupes de jeunes investissent les lieux. «Il nous est impossible de boucler toutes les issues du bâtiment», avance ce fonctionnaire de l'Etat. Comme le hangar abrite déjà des intrus, il est devenu un point de rencontre de tous les jeunes délinquants de R'mila. Ils arrivent à s'introduire jusqu'au 2e étage où ils se rassemblent tard dans la soirée. Séparés, les occupants des lieux n'arrivent pas à faire front commun contre cette agression. A en croire les résidants, la police ne se montre pas ferme face à ces associations de malfaiteurs. Le cycle est infernal.