Face à l'armada française de l'opération Gustav au nord de Gao, les terroristes du Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest) dans la vallée d'Inaïs ont choisi la fuite, abandonnant des tonnes d'armes mais ne subissant aucune perte. Cette vallée perdue et désertique au nord-est du Mali, à l'écart de la piste trans-saharienne, avait depuis des semaines été repérée par les services de renseignements comme une importante base logistique des terroristes. "On les voyait venir, rester un peu, charger, repartir" explique, dans son QG de Gao, le général Bernard Barrera, chef de la brigade Serval, qui a commandé l'offensive. "On s'attendait peut-être à des accrochages, mais le but était avant tout de vider la soute, d'anéantir leur logistique". Le 7 avril à l'aube, l'armée française s'est déployée en force: 800 hommes, 150 blindés, une couverture aérienne totale. Mais quand ils ont fermé la nasse, elle était vide d'ennemis qui, prévenus ou prudents, avaient quitté les lieux plusieurs jours auparavant. La force française était prête à l'affrontement, dotée d'une puissance de feu impressionnante, terrestre et aérienne, qu'elle n'a pas utilisé. "Nous avions laissé ouvert un étroit échappatoire" précise, dans la vallée d'Inaïs, au quatrième jour de l'opération, un officier supérieur. "Si vous fermez une boîte et appliquez une pression de tous côté, elle vous explose au visage. Il faut laisser une issue. Il y avait une sortie que les hélicoptères de l'Alat" (Aviation légère de l'armée de terre) "surveillaient de près. Le moindre pick-up rempli d'hommes en armes aurait été détruit". Un vent de sable "leur a peut-être permis de s'exfiltrer, mais de toutes façons nous pensons qu'ils étaient partis quelques jours auparavant", ajoute le général Barrera. 18 tonnes de munitions "Ils sont peut-être renseignés, ou ils se méfient... Ils ont compris qu'ils ne peuvent plus rester groupés sur le terrain. Dès qu'ils voient ou qu'ils savent que des unités françaises ou même maliennes vont bouger, ils se dispersent, nous évitent", selon lui. Les terroristes ont compris qu'avec l'extraordinaire capacité d'observation aérienne de leur ennemi, il ne leur est plus permis d'aligner plus de deux pick-up, sous peine de devenir une cible détruite par une foudre invisible tombée du ciel. L'état-major de l'opération française Serval est tout de même satisfait: le ratissage de la vallée a permis la découverte de 18 tonnes de munitions, dont 700 obus, 51 roquettes, 16 bombes d'avion, 17 caisses de munitions. Peu d'armes légères (une vingtaine de fusils d'assaut): les terroristes les ont soit emportées avec eux, soit enterrés dans des lieux que les sapeurs français n'ont pas découvert. Ils semblent avoir abandonné sur place les caisses les plus encombrantes, des munitions pour armes lourdes qu'ils utilisent peu. Trois 4x4 ont été découverts, à moitié enterrés et cachés par des bâches: deux ont été détruits, un emporté pour être remis à l'armée malienne. Dans les recoins les plus boisés du fond de l'oued, des traces de campements, des preuves de bivouacs par dizaines. "Nous pensons qu'il pouvait y avoir dans la vallée quelques dizaines d'hommes du Mujao, tout au plus. C'était leur reliquat dans la région", précise le général Barrera. "Ils ont filé en moto, en dromadaire, en véhicule". En dépit du retour en France des premiers soldats de l'opération Serval, les offensives vont se poursuivre dans la région de Gao et le Nord du Mali, assure l'officier français. "Les opérations vont continuer. Ce sera différent", dit-il. "On pourra faire aussi important, dans une autre vallée, ou plusieurs opérations plus restreintes, dans d'autres secteurs. Mais nous serons toujours là... Moins nombreux peut-être, mais toujours là. Et avec des moyens aériens, hélicos et avions, redoutables..."